6.7.15

Ouzbékistan: des décennies de désespoir pour les prisonniers politiques

À la veille de l’examen par le Comité des droits de l’homme des Nations unies du quatrième rapport périodique de l’Ouzbékistan, concernant la mise en oeuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’Association « Droits de l’homme en Asie centrale » (AHRCA) et l’International Partnership for Human Rights (IPHR) soulignent la détérioration de la situation dans le pays. 
  
En raison de l’impossibilité d’effectuer un suivi public efficace de la situation des droits de l’homme en Ouzbékistan, toute tentative d’en effectuer une évaluation exhaustive se révèle très difficile. Cependant, malgré les manoeuvres d’obstruction des autorités pour empêcher l’accès à des données indépendantes, l’AHRCA n’a cessé de recevoir des informations concernant de graves violations des droits de l’homme, documentées dans un rapport commun de l’AHRCA et de l’IPHR, préparé en vue de l’examen de l’Ouzbékistan par le Comité des droits de l’homme.  

En Ouzbékistan, la pratique de la torture et les décès en détention et dans des circonstances suspectes sont des sujets particulièrement préoccupants. Pendant ces cinq dernières années, l’AHRCA a été informée de 85 cas de morts en détention dans différents établissements pénitentiaires, dont 36 ont pu être vérifiés. Pas un seul de ces cas n’a fait l’objet d’une réelle enquête objective impliquant un examen médico-légal indépendant, et personne n’a été tenu responsable de ces décès. 

Selon les informations reçues par l’AHRCA, les conditions de détention en Ouzbékistan sont assimilables à des actes de torture ou à des traitements cruels, et se caractérisent par un approvisionnement insuffisant en eau potable et en nourriture, des systèmes de chauffage et de ventilation défectueux, et un accès restreint aux soins médicaux et aux médicaments. 

Aucune réelle enquête impartiale n’a été menée jusqu’à présent sur les évènements meurtriers d’Andijan du 13 mai 2005, lors desquels les forces de l’ordre avaient utilisé des armes à feu contre des manifestants, pour la pluparts désarmés, sur la place Bobour. Depuis, les témoins de cette tragédie vivant en Ouzbékistan sont victimes de harcèlement et se trouvent sous la surveillance constante du Service de sécurité nationale (SNB). Ceux qui vivent désormais à l’étranger sont privés de leur droit de retrouver leur famille. Les réfugiés d’Andijan qui ont fui dans des pays membres de la Communauté des Etats indépendants ont pour certains été extradés vers leur pays d’origine, en violation du principe de non-refoulement établi par le droit international, relatif au droits de l’homme. À leur arrivée en Ouzbékistan, nombreux sont ceux qui sont soumis à la torture et condamnés à de longues peines de prison. Par exemple, Abdoumoutalib Kadirov, âgé de 70 ans, et son fils Abdounosir, tous les deux originaires d’Andijan, ont été extradés du Kazakhstan, où ils s’étaient réfugiés, vers l’Ouzbékistan en 2007. Ils ont été ensuite condamnés à huit ans de prison à l’issus de procès iniques, et ont vu en 2015 leur peine de prison être prolongée respectivement de cinq et trois ans pour avoir prétendument violé les règles carcérales. 

La situation des autres individus emprisonnés pour des raisons politiques restent également particulièrement difficile, et la pratique de l’extension arbitraire de la durée des peines d’emprisonnement, lorsque ces dernières sont sur le point d’arriver à terme, très répandue.

Un exemple flagrant du recours à cette pratique est illustré par le cas de l’ancien député parlementaire Mourad Djouraïev dont la peine de prison initiale a été prolongée à quatre reprises. Des 21 années d’emprisonnement qu’il a déjà purgées, 12 n’étaient pas comprises dans sa condamnation initiale. Pendant les trois dernières années, les proches et les avocats de Mourad Djouraïev n’ont pas pu recevoir la copie de l’une de ses cinq condamnations, malgré les multiples demandes adressées aux tribunaux. Son avocate n’a pas été autorisée à le voir depuis mars dernier et toutes les instances judiciaires ont rejeté l’appel qu’elle avait fait de la dernière condamnation de son client. Mourad Djouraïev a été torturé pendant l’enquête. Actuellement en très mauvais état de santé, il ne bénéficie d’aucun examen ou traitement médical approprié en prison. 

L’ancien rédacteur en chef du journal d’opposition Erk, Muhammad Bekjanov, purge actuellement sa deuxième peine de prison pour avoir, soi-disant, violé les règles carcérales. Il se trouve en prison depuis 16 ans, après avoir été torturé en maison d’arrêts et condamné à l’issue d’un procès inique en 1999. Son avocate n’est toujours pas autorisée à le voir depuis avril 2015, malgré l’autorisation écrite qu’elle a reçue de la part des autorités. Muhammad Bekjanov souffre d’une hernie très douloureuse, mais en raison de l’équipement médical déplorable de l’hôpital pénitentiaire et du manque de médicaments, il refuse de s’y faire opérer.

Aucune nouvelle n’a été reçue concernant Nouraddin Djoumaniïazov depuis octobre 2014. Son avocate avait reçu une autorisation officielle pour lui rendre visite le 20 avril 2015, mais n’a toujours pas pu le voir. Nouraddin Djoumaniïazov purge actuellement une peine de prison de huit ans après avoir été condamné en 2014 pour « trafic d’êtres humains » à l’issue d’un procès inique. Il n’a pas accès en prison aux médicaments nécessaires pour soigner son diabète et à une alimentation adaptée à son état. En octobre 2014, l’AHRCA a appris qu’il avait été admis à l’hôpital pénitentiaire, mais n’a reçu aucune information concernant son état de santé. 

Mourad Djouraïev, Muhammad Bekjanov et Nouraddin Djoumanïyazov sont tous défendus par l’avocate Polina Braunerg. Cette dernière reçoit régulièrement des menaces téléphoniques et fait l’objet d’une surveillance constante de la part du pouvoir. En représailles à ses activités professionnelles, elle s’est vue interdire par les autorités ouzbékistanaises de voyager à l’étranger en janvier 2015. Alors que Polina Braunerg souffre d’invalidité suite à une maladie et utilise un fauteuil roulant pour se déplacer, cette interdiction de sortie du territoire limite son choix concernant les lieux où elle peut recevoir un traitement médical adapté.

Plus d’informations sur ces points, ainsi que sur d’autres sujets, sont disponibles dans le rapport adressé conjointement par l’AHRCA et l’IPHR auprès du Comité des droits de l’homme en amont de l’examen du rapport périodique de l’Ouzbékistan. 

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