22.5.20

Restitution par la France des avoirs acquis illégalement par Gulnara Karimova : une occasion manquée

Les Organisations Non Gouvernenmentales (ONG) Transparency International France (TI-F), Sherpa, l’Association Droits de l'Homme en Asie Centrale (AHRCA)International Partnership for Human Rights (IPHR), lnternational State Crime Initiaitve (ISCI), Uzbek-Gerlman Forum for Human Rights (UGF), et le Civil Forum on Asset Recovery s'inquiètent vivement de l'opacité des négociations franco-ouzbèkes pour la restitution des « biens mal acquis » de Gulnara Karimova, fille de l’ancien-président, à l'Ouzbékistan. Ces préoccupations portent tant sur l’absence de garantie quant à la supervision du processus de restitution par les autorités françaises que sur le manque de transparence quant au déboursement et au suivi des fonds en Ouzbékistan.
Jeudi 14 mai, les autorités ouzbèkes ont annoncé avoir reçu de la part de la France, 10 millions de dollars au titre de la restitution d'avoirs « illégalement acquis » par Gulnara Karimova. Cette annonce résulte de la décision rendue le 9 juillet 2019 par la justice française confisquant les biens acquis par Gulnara Karimova avec de l’argent issu de la corruption et ordonnant leur restitution, à titre d’indemnisation, à la République d’Ouzbékistan qui s’était constituée partie civile. Gulnara Karimova - qui purge actuellement une peine de prison en Ouzbékistan - est poursuivie dans plusieurs autres pays pour avoir sollicité des pots-de-vin d’un montant de plus d’un milliard de dollars auprès de trois sociétés de télécommunications.
Cette première restitution par la France aurait pu être l’occasion de la mise en place d’un mécanisme transparent afin que les avoirs retournés profitent in fine à la population ouzbèke. Il n’en fut rien.
La confiscation des trois propriétés françaises de Gulnara Karimova a été décidée dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), sorte de « plaider coupable » à la française. A un procès en audience publique s’est substituée une négociation à huis-clos entre les autorités judiciaires françaises, le représentant légal des trois sociétés civiles immobilières ayant acquis des biens immobiliers au nom de Gulnara Karimova et l’Etat ouzbek. L’accélération de la restitution des avoirs de Gulnara Karimova s’est ainsi faite aux dépens de la transparence. L’ONG Sherpa, partie civile depuis 2014 dans cette affaire, n’a pu être présente lors de la conclusion de l’accord d’homologation de la CRPC, l’ONG s’étant vu provisoirement refuser le renouvellement de son agrément pour lutter contre la corruption.
Pour Marc-André Feffer, Président de TI-F, « le manque de transparence inhérent à cette restitution est dommageable et paradoxal. Dommageable car il n’existe à l’heure actuelle aucune garantie que cet argent soit bien affecté au bénéfice des populations spoliées. Paradoxal, car TI-F conduit actuellement auprès du gouvernement français un plaidoyer visant à l’instauration d’un dispositif de restitution responsable des biens mal acquis. Un tel dispositif se doit d’être transparent, redevable et impliquer des ONG françaises et locales de façon à garantir que les fonds restitués soient alloués à des projets bénéficiant aux populations ».
Cet épisode tranche avec la récente dynamique amorcée par la France en la matière et retentit comme une occasion manquée pour les autorités françaises d’être exemplaires dans la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent. 
« Les affaires des « biens mal acquis » ont démontré l’importance du rôle des ONG. A l’origine des procédures judiciaires par la constitution de partie civile lorsque le parquet est inerte, celles-ci sont également garantes de la transparence et du bon déroulement des procédures. Le rôle des ONG et de la société civile est également essentiel au moment d’envisager la restitution des avoirs dans des pays qui n’offrent pas nécessairement des garanties d’exemplarité » indique Franceline Lepany, Présidente de l’ONG Sherpa.
Malgré le récent changement de puissance, l’Ouzbékistan demeure classé 153ème sur 180 pays par l’indice de perception de la corruption de Transparency International. Les sociétés civiles ouzbeks et françaises insistent donc sur l’importance des garanties de transparence, de redevabilité et d’intégrité de la restitution des fonds afin de s’assurer qu’ils ne retombent dans les circuits de la corruption.
Aujourd’hui, force est de constater que de telles garanties minimales ne sont pas réunies. La CRPC négociée en 2019 portait sur plusieurs dizaines de millions d'euros, soit une partie mineure des quelques 1,3 milliard de dollars que Gulnara Karimova est suspectée d’avoir acquis illégalement et investis à l’étranger. Malgré l’importance des sommes en jeu et les soupçons sur l’implication de plusieurs haut-fonctionnaires ouzbeks dans les schémas de corruption litigieux, la France n’a fourni aucune information sur le processus de restitution tandis que les autorités ouzbeks se sont bornées à indiquer que ces 10 millions de dollars restitués allaient être « transférés dans le budget d'Etat de l'Ouzbékistan ».
Selon Nadejda Atayeva, Présidente de l’Association Droit de l’Homme en Asie Centrale«faute de transparence et de redevabilité, le risque que les avoirs restitués soient détournés et de nouveau blanchis n’est pas négligeable. Cela constituerait un dangereux précédent de restitution non seulement par la France, mais également par d’autres pays voisins, d'avoirs issus de la corruption à des régimes autoritaires. Ce, malgré les alertes de plusieurs organisations internationales et non gouvernementales sur les lacunes de la gouvernance en Ouzbékistan, en particulier concernant certains fonctionnaires hauts placés ainsi que certains membres de la famille proche du Président. »
La Suisse, également sur le point de restituer à l’Ouzbékistan plusieurs millions d’euros confisqués à Gulnara Karimova, a fait le choix d’un minimum de transparence en accompagnant la décision de confiscation d’un communiqué de presse annonçant la restitution des fonds confisqués. Dans ce contexte, l’actuelle restitution par les autorités françaises crée un précédent inquiétant.





20.12.19

Ouzbékistan, des élections entravées?

Ce dimanche ont lieu des législatives très attendues en Ouzbékistan. Dans une note de situation publiée avant les élections du 22 décembre, l'Association Droits de l'homme en Asie centrale (AHRCA), la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et International Partnership for Human Rights (IPHR) expriment leur profonde préoccupation concernant le respect des droits humains en Ouzbékistan, à la lumière des risques qui pèsent sur la possibilité de la tenue d'élections libres et équitables.

Depuis l'arrivée de Chavkat Mirzioïev au pouvoir en 2016, plus de 2 000 nouvelles lois et décrets exécutifs ont été introduits dans le but de favoriser l'indépendance de la justice et d'améliorer le respect des droits humains. En outre, des défenseurs des droits humains, des journalistes et d'autres prisonniers politiques ont été libérés des prisons où ils purgeaient de longues peines après avoir été condamnés pour des motifs politiques lors de procès inéquitables.

Cependant, le contexte actuel, caractérisé par des entraves à l'action indépendante de la société civile, des persécutions et un harcèlement des journalistes et des critiques des autorités, la conduite d'élections libres et équitables est peu probable. Le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH) qui a ouvert une mission d'observation électorale en Ouzbékistan le 25 novembre 2019, a notamment rappelé que cela faisait de nombreuses années que le parti d'opposition n'avait pas été autorisé à concourir.

Dans leur note, la FIDH, l'IPHR et l'AHRCA reviennent sur leurs préoccupations concernant plusieurs questions relatives aux droits humains qui sont en jeu avec les élections de dimanche.

*      *     *

L’Association pour les Droits de l’Homme en Asie centrale (AHRCA), la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et International Partnership for Human Rights (IPHR) souhaitent attirer l’attention sur la situation très préoccupante en matière de droits humains en Ouzbékistan, dans un contexte de réformes juridiques et économiques annoncées par le président Mirziyoyev.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2016, plus de 2 000 nouvelles lois et décrets exécutives auraient été adoptées dans le but d’accroître l’indépendance de la justice et améliorer le respect pour des droits humains. Cependant, nous craignons que ces principes de l'état de droit, qui devraient accompagner toute libéralisation économique, ne soient pas appliqués dans la pratique. Vous trouverez une note détaillée sur la situation en matière des droits humains en Ouzbékistan en annexe de cette lettre (4 pages).

1. Préoccupations concernant des violations persistantes des droits humains au sein du système de justice pénale

1.1  Torture et mauvais traitement
En septembre de cette année, nous avons découvert avec consternation les réponses du gouvernement ouzbek à la liste des points à traiter du Comité des Nations Unies contre la torture. Les réfutations catégoriques par l’État ouzbek d’informations crédibles et soigneusement recueillies sur des cas de torture et de mauvais traitements indiquent que le gouvernement du président Mirziyoyev ne comptenullement prendre de mesures afin d’améliorer le bilan épouvantable du pays en ce qui concerne l’une des violations les plus choquantes des droits humains.

Nous sommes très préoccupés par des informations crédibles indiquant que la torture et les mauvais traitements persistent en Ouzbékistan malgré le programme de réforme annoncé en vue de résoudre ce problème.

1.2  Impunité pour les auteurs d’actes de torture

Les allégations de torture ne sont pas examinées à temps et ainsi des preuves physiques peuvent disparaître (à mesure que les marques de torture s’estompent) et les auteurs de ces actes échappent à la justice.
Des pressions continuent d’être exercées sur les avocats de la défense et sur les victimes de torture qui tentent de porter plainte en raison des violations de leurs droits. Les représentants des forces de l’ordre obligent les victimes et les avocats à signer des accords de confidentialité en les menaçant de poursuites pénales en cas de refus.
Nous savons que des fonctionnaires de différents échelons sont désormais traduits en justice, mais les mesures d’instruction mises en œuvre ne sont pas conformes aux normes internationales en matière de droits humains. Les procès se déroulent à huis clos, en l’absence d’observateurs indépendants. Nous avons suivi plusieurs affaires liées à des anciens fonctionnaires dans lesquelles de graves violations du principe de procès équitable ont été constatées, ainsi que le recours à la torture et à des traitements psychiatriques punitifs.

1.3  Absence de mesures de réinsertion et de réparation pour les victimes de torture incarcérées pour des motifs politiques
Bien que l’augmentation des acquittements constitue une évolution positive, nous insistons sur le fait que les condamnations pénales basées sur des motifs politiques ne font l’objet d’aucun réexamen. Il convient également de noter qu’aucune compensation n’a jamais été versée aux victimes de tortures en Ouzbékistan.
Par exemple, le militant des droits humains Agzam Turgunov s’est vu refuser le droit de faire appel des condamnations prononcées à son encontre (et pour lesquelles il a purgé 10 ans de prison). L’ancien parlementaire Samandar Kokanov, qui a purgé 24 ans de prison, s’est également vu refuser le droit de faire appel. Il existe de nombreux autres cas de ce type.

Les autorités ouzbèkes continuent de réfuter toutes les allégations de torture et de bloquer l’accès à la justice et à la réparation pour les personnes ayant subi des actes de torture. Lors de l’audience menée par le Comité des Nations Unies contre la torture en novembre dernier à Genève, la délégation ouzbèke a affirmé qu’en l’absence de preuves de torture dans les cas d’Agzam Turgunov et d’autres prisonniers politiques, les conditions nécessaires à un réexamen de leur procès n’étaient pas réunies. Les anciens prisonniers incarcérés pour des motifs politiques qui tentent d’obtenir justice se heurtent à des obstacles tels que l’impossibilité d’obtenir des copies des jugements prononcés à leur encontre. Tel est le cas, par exemple, d’Erkin Musaev.

Lors de la 68ème session du Comité des Nations Unies contre la torture, le chef de la délégation ouzbèke, Akmal Saidov, a déclaré qu’il il existait sous l’ancien président Karimov une « liste noire » de citoyens qui étaient persécutés pour des motifs religieux (personnes portant un hijab, une barbe et priant cinq fois par jour) et que sous le président Mirziyoyev, environ 20 000 de ces personnes avaient été remises en liberté. Des représentants de partis d’opposition, d’organisations de défense des droits humains et de journalistes ont été placés sur liste noire.

Des citoyens ont été poursuivis en vertu des articles suivants du Code pénal ouzbek, utilisés afin de les sanctionner pour avoir ouvertement critiqué les autorités, dénoncé publiquement les violations des droits humains dont leurs proches ou eux-mêmes ont été victimes, ou pour avoir exercé leur droit d’exprimer leurs croyances religieuses en public:

— 158-3 (« Insulte ou diffamation publique du président en ayant recours à la presse ou à d’autres médias »),
— 159 (« Violations du système constitutionnel de la République d’Ouzbékistan »),
— 216 (« Organisation illégale d’associations publiques ou d’organisations religieuses »),
— 216-1 (« Propension à participer aux activités d’associations publiques et d’organisations religieuses illégales »),
— 216-2 (« Violation de la loi sur les organisations religieuses »),
— 244-1 (« Production ou distribution de documents constituant une menace pour la sécurité et l’ordre publics »),
— et 244-2 (« Création, direction, participation à des organisations religieuses extrémistes, séparatistes, fondamentalistes ou à d’autres organisations interdites ») ;

De nombreuses accusations montées de toutes pièces ont été formulées en se basant sur ces articles et, par conséquent, la mise en place d’une commission chargée d’examiner les affaires pénales en vertu de ces articles du Code pénal et en présence d’observateurs indépendants doit être une priorité.

2. Conditions de détention

Nous avons reçu des informations récentes et crédibles sur le recours à la torture et au travail forcé dans les prisons du pays, alors qu’il existe très peu d’informations transparentes et accessibles au public sur le nombre de détenus.

Bien que les autorités ouzbèkes aient annoncé la fermeture de la prison de Jaslyk, un établissement de haute sécurité, en août 2019, nous sommes préoccupés par des informations selon lesquelles elle sera utilisée comme centre de détention provisoire, ce qui donne fortement à craindre que les garanties préalables au procès ne soient pas respectées.

Nous recevons régulièrement des informations fiables faisant état de l’existence de travail forcé dans les prisons ainsi que de soins de santé insuffisants et de mauvaise qualité. Nous avons appris que les personnes âgées, les personnes en situation de handicap ainsi que les personnes atteintes du sida et d’autres maladies graves ne bénéficient pas de soins médicaux adéquats. La mauvaise qualité des soins de santé dispensés aux détenus entraîne un fort taux de mortalité en détention, mais aucune statistique et aucun résultat d’enquêtes officielles menées sur ces cas n’est rendu public.

L’accès limité des observateurs indépendants aux lieux de détention constitue l’un des obstacles les plus sérieux à l’amélioration des conditions de détention et témoigne des difficultés rencontrées par la société civile pour effectuer un travail de surveillance.

Le défenseur des droits humains Agzam Turgunov a tenté d’obtenir l’autorisation de visiter les prisons aux côtés du Médiateur, mais ses demandes ont été rejetées. (Vous trouverez ci-joint une réponse officielle à l’une de ses demandes. Selon ce courrier, sa demande est rejetée car son organisation n’est pas déclarée). Récemment, il s’est également vu refuser l’autorisation de rencontrer le représentant du parquet chargé d’enquêter sur les cas de torture et de travail forcé dans les prisons. La militante des droits humains Tatyana Davlatova s’est également heurtée à des obstacles similaires.

3. Nécessité de considérer le mouvement indépendant de défense des droits humains et ses défenseurs comme des partenaires constructifs et non comme des menaces politiques

Difficultés de déclaration pour les organisations indépendantes de défense des droits humains
Il est toujours extrêmement difficile de déclarer une organisation indépendante des droits humains en Ouzbékistan. Des défenseurs des droits humains indépendants continuent de faire l’objet de surveillance, de menaces et de frais administratifs en représailles de leur travail. Au cours des vingt dernières années, Agzam Turgunov a tenté de déclarer son organisation dix fois, dont quatre fois pendant la seule année 2019.
Parmi les motifs de refus de la déclaration de l’organisation par les autorités de l’État ouzbek, on compte :
— le fait que les documents de la demande n’aient pas été reliés par du fil (alors que c’était le cas et que le document avait été certifié par un notaire) ;
— une exigence nouvellement introduite sur la nécessité d’identifier 10 membres fondateurs au lieu de trois ;
— l’absence d’une phrase dans le document constitutif stipulant que l’organisation est habilitée à mener ses activités dans tout le pays.
Agzam Turgunov est actuellement dans l’attente d’une quatrième décision du ministère de la Justice concernant sa demande de déclaration. En cas de refus, il a l’intention de saisir la justice.
4. Modifications du Code pénal
Les autorités ouzbèkes préparent actuellement une mise à jour du Code pénal. Dans le cadre de ce processus, nous appelons la communauté internationale à demander aux autorités ouzbèkes de :
a)  Dépénaliser les relations sexuelles consenties entre hommes (actuellement passibles d’une peine allant de 3 à 5 ans de prison au titre de l’article 120 du Code pénal).
b)  Modifier l’article 235 (qui érige en infraction pénale le recours à la torture). Dans sa rédaction actuelle, l’article stipule que toute « pression psychologique ou physique illégale » constitue un crime, laissant sous-entendre que la torture pourrait être légale dans certains cas. Les experts internationaux du Comité des Nations Unies contre la torture ont considéré que cette formulation était inacceptable car elle donne lieu à des arrêts relatifs à la légalité de la torture dans certaines circonstances, alors le droit international en fait l’interdiction absolue. Tous les États parties à la Convention contre la torture sont tenus d’assurer une protection totale contre la torture. L’Ouzbékistan devrait également être exhortée à modifier l’article 235 afin de stipuler que les crimes de torture ne sont pas soumis à un délai de prescription.
5.  Les personnes LGBTI sont menacées de torture, d’abus sexuels et d’extorsion
Nous avons reçu des informations récentes et crédibles selon lesquelles, dans les centres de détention et les prisons, les hommes homosexuels et bisexuels sont souvent soumis à des violences sexuelles humiliantes et à des traitements cruels, inhumains et dégradants de la part de policiers, de gardiens de prison et de codétenus. Ces derniers mois, nous avons récolté des données sur les méthodes de torture suivantes : viols d’hommes homosexuels avec des bouteilles par des gardiens qui attachent des objets lourds à leurs parties génitales et les enveloppent dans du papier journal auquel ils mettent le feu. Des prisonniers soupçonnés d’être homosexuels seraient utilisés comme « esclaves » par d’autres détenus et par des gardiens, et sont par exemple contraints de nettoyer les toilettes sales à mains nues.
La police a également recours à des menaces d’emprisonnement en vertu de l’article 120 et de divulgation de l’orientation sexuelle de la personne afin d’intimider et de soumettre au chantage les personnes LGBTI et d’abuser d’eux physiquement ou sexuellement. Nous avons récolté des données concernant des menaces de ce genre visant également des hommes hétérosexuels. Dans plusieurs cas récents, la police a forcé des hommes à « avouer » des crimes graves tels que des actes de « terrorisme » afin de leur éviter d’être inculpés en vertu de l’article 120.
Les personnes LGBTI sont également menacées d’abus et d’extorsion par des acteurs non étatiques. Des cas de pièges tendus à des personnes LGBTI sur les réseaux sociaux ont été signalés, les victimes ayant été agressées sexuellement par des hommes homophobes et filmées avant d’être victimes de chantage.
Des défenseurs LGBTI exilés d’Ouzbékistan nous ont signalé que plusieurs hommes homosexuels avaient été tués ou gravement blessés après que des activistes homophobes ont lancé des appels en ce sens sur les services de messagerie sur Internet et diffusé leurs informations personnelles (photos/adresses, etc.). À notre connaissance, les autorités n’ont pas pris de mesures en vue d’enquêter sérieusement sur ces crimes et de traduire leurs auteurs en justice.
Dans la grande majorité des cas, les victimes ne déposent aucune plainte par crainte des représailles. Nous avons également pris connaissance de cas dans lesquels des personnes LGBTI n’ont pas pu supporter les intimidations et les abus et se sont suicidées.
Les groupes qui défendent les droits des LGBTI ne peuvent pas travailler en toute sécurité dans le pays.


25.7.19

Les militants réclament justice dans l'affaire de Goulnara Karimova et sur le sort de ses actifs frauduleusement acquis


Suisse :
     Conseil fédéral
     Bureau du procureur général
     Tribunal pénal fédéral
Gibraltar :
     Gouvernement de SM
     Ministère de la Justice de SM
France :
      Ministère de la Justice
      Ministère de l'Europe et des affaires étrangères
Etats-Unis d'Amérique :
      Département fédéral de la Justice
Ouzbékistan :
      Ministère de la Justice
      Bureau du Procureur général


EN OUZBEKISTAN, LES MILITANTS DE LA SOCIETE CIVILE EXIGENT QUE JUSTICE SOIT FAITE S'AGISSANT DE LA RESTITUTION DES BIENS MAL-ACQUIS DE GULNARA KARIMOVA

Points-clés :
Rapatrier les actifs de Gulnara Karimova selon un processus garantissant
qu'elle-même et ses complices soient rejugés en Ouzbékistan selon les
normes d'une procédure régulière et d'un procès équitable.

Les gouvernements de Suisse, de France et des autres pays où les avoirs de G. Karimova sont gelés devraient être guidés non seulement par les textes de loi anti-corruption mais aussi par le respect des droits de l'homme.

Le retour de ces actifs aux autorités d'Ouzbékistan ne devrait s'effectuer qu'une fois mises en œuvre les réformes de la lutte anti-corruption et une fois rétabli l'état de droit.

Le Département fédéral de la Justice des Etats-Unis devrait bloquer toute tentative pour rendre à Gulnara Karimova et à ses complices une quelconque fraction de ses biens mal-acquis.

Depuis notre déclaration du mois d'août 2018 où nous exposions les principes qui devaient être respectés pour une restitution encadrée   des actifs à la population ouzbek, de nombreux faits sont survenus qui ont attiré notre attention et doivent être exposés au public.

Les biens dont il est question ici sont ceux que Karimova a acquis grâce aux pots-de-vin qu'elle a extorqués à hauteur de plusieurs millions de dollars à des sociétés de téléphonie mobile, pour que celles-ci soient autorisées à commercialiser leurs services en Ouzbékistan :  MTS ; Telia (ex- Teliasonera) et Vimpelcom. Le fait qu'à cette occasion elle a perçu des pots-de-vin a été confirmé par ces sociétés elles-mêmes, dans des accords de poursuite différée devant diverses juridictions, y compris aux Etats-Unis et aux Pays-Bas. Ces trois sociétés ont accepté, par la suite, de payer des amendes pour un total de 2,6 milliards de dollars. Les avoirs bancaires de Karimova sont situés, pour l'essentiel, dans des banques européennes, à savoir : en Suisse, en Irlande, en Belgique, au Luxembourg et en Suède, tandis que ses autres actifs sont situés en France et au Royaume-Uni. En France trois biens immobiliers, d'une valeur de quelque 60 millions d'euros, ont été mis sous séquestre. Le total des actifs de Gulnara en Europe dépasse un milliard de dollars.

Le sort des actifs situés en Suisse (dont le montant atteignait au moins 800 millions de francs suisses en 2012) se décide en ce moment même. Sur le total, 130 millions de CHF appartiennent à des sociétés qui formellement sont détenues par Roustam Madoumarov l’un des complices de Karimova. A quoi s'ajoutent 555 millions de CHF, appartenant à des sociétés détenues, formellement, par Gayané Avakyan - une autre complice de Karimova. A cela s'ajouteraient - selon des informations d’origine interne - des bijoux d'une valeur considérable, déposés dans les coffres-forts d’une banque suisse.

Quels faits récents nous ont incités à adresser cette demande de réexamen à la justice ?

D'abord et surtout, des négociations secrètes en cours en Ouzbékistan entre, d'un côté, Gulnara Karimova - représentée par sa fille et son avocat suisse - et, de l'autre, les autorités ouzbeks.

Selon nos informations, Karimova a été placée en résidence surveillée à son domicile en février 2014 ; puis transférée à Zangiata - la colonie pénitentiaire pour femmes n°21 (région de Tachkent) en 2017. Fin juin 2018, elle a de nouveau été placée dans un appartement privé - celui de sa fille à Tachkent ; après quoi elle a été conduite         à nouveau à la colonie de Zangiata, au début de mars 2019. Si on comprend bien, en échange du consentement de Karimova à ce que ses avoirs suisses fassent retour à l'Ouzbékistan, ses représentants exigent sa libération de prison et le droit de quitter l'Ouzbékistan, prétendument pour bénéficier d'un traitement médical approprié à son état. Les représentants de Gulnara comptent, par ailleurs, obtenir qu'une partie de ses avoirs étrangers actuellement sous séquestre, lui soient restitués, sans doute pour lui garantir un train de vie confortable après sa libération. Peut-être aussi, pour bénéficier eux-mêmes d'honoraires confortables, en rémunération de leurs services en défense des intérêts de leur cliente.

Dans le dernier communiqué, publié le 23 juin 2019 en son nom, Gulnara Karimova prétend avoir autorisé le rapatriement de 131 millions de CHF correspondant aux pots-de-vin qu'elle a soutirés jadis et qui sont actuellement gelés. Elle y déclare aussi qu’elle ferait de même pour le reste, soit 555 millions de CHF. Le communiqué laisse entendre qu'elle serait prête à accepter ces mesures en échange de sa libération de prison et du droit de quitter l'Ouzbékistan.

Nous ignorons à l'heure actuelle si les autorités ouzbeks accepteront ces conditions mais nous prévoyons que Gulnara Karimova va se retrouver assignée à résidence chez elle, situation éminemment plus confortable que dans la colonie pénitentiaire de Zangiata.

Tout arrangement de ce type ne serait rien d'autre qu'un énorme pot-de-vin versé aux autorités ouzbeks et grâce à quoi Karimova permute les rôles :  celle qui extorque devient celle qui offre le pot-de-vin. Qui plus est, une telle manière de faire ne serait conforme ni aux normes et principes de la justice internationale ni aux intérêts des victimes de la corruption à l'origine de toute l'affaire - à savoir la population de l'Ouzbékistan.

Les décisions de justice de 2014, 2015 et 2017 qui ont abouti à la condamnation de Karimova et de ses complices en Ouzbékistan - et, du même coup, aux demandes de restitution de ses actifs - ne répondent pas aux normes d'une justice équitable Les procès ont été menés à huis clos et sans que les tribunaux concernés publient ni dossiers ni communiqués, ce qui ôte tant à ces procès qu'à leurs conclusions toute crédibilité. Et fait ressortir, d'autre part, le niveau déplorablement bas des normes présidant à l'administration de la justice en Ouzbékistan.

Nous préoccupe le fait que le gouvernement helvétique - en estimant que Karimova a, en apparence, consenti au transfert de ses actifs en Ouzbékistan - pourrait, sans le savoir ou en connaissance de cause, devenir complice du marchandage décrit plus haut, par lequel Karimova achète sa libération et un traitement de faveur grâce au pot-de-vin quelle verse aux autorités ouzbeks et qu'elle finance sur ce qu'elle-même a volé à la population d'Ouzbékistan. C'est pourquoi nous souhaiterions que le Bureau du procureur fédéral et le Conseil fédéral songent au précédent ainsi créé et aux effets d'une telle parodie de justice sur leur réputation. Nous sommes fort surpris que l'accord d'une personne qui a volé des biens soit exigé pour mettre en place le mécanisme par lequel ceux-ci seront confisqués et remis au pays d'où ils proviennent. Dans le cas présent, l'acte de corruption a été prouvé tant par l'aveu des sociétés de téléphonie que par les pièces du procès contre les cadres dirigeants de Telia, en Suède. Vu que la preuve a été faite que le "propriétaire" de ces actifs avait commis des actes tombant sous le coup de la loi, pourquoi les autorités judiciaires suisses ont-elles besoin du consentement du coupable pour confisquer ces actifs ?

Nous sommes fort préoccupés par le fait que, le 1er juillet 2019, le Tribunal pénal fédéral a accordé à Gulnara Karimova la possibilité de reprendre possession de 350 millions de CHF sous forme d'actifs détenus par l'intermédiaire de Takilant Ltd. - une société sise à Gibraltar et dont l'enregistrement a expiré.

Outre les actifs gelés en Suisse, nous préoccupe aussi le sort de ceux qui ont été confisqués cette année, à Gulnara Karimova, en France. Selon des informations parues dans la presse, les autorités françaises ont décidé - à la différence de la Suisse - de remettre directement ces actifs aux autorités d'Ouzbékistan (environ 60 millions d'euros). Au printemps 2019, le Sénat français avait adopté une proposition de loi sur la restitution encadrée d'actifs volés - un modèle que tous les pays devraient suivre et dont les militants de la société civile se félicitent. Une telle loi pourrait faire de l'affaire Karimova le premier cas où les autorités françaises restitueraient des actifs dans l'intérêt des victimes de la corruption et avec des sauvegardes contre toute malversation portant sur ces actifs.

Toutefois, selon les informations dont on dispose (et à la différence de la Suisse) il semble que les autorités françaises ont l'intention de rendre des actifs issus de la corruption directement aux autorités ouzbeks, c'est à dire à un régime autoritaire, répressif et toujours très corrompu, sans que des conditions préalables soient posées ou que soit mis en place un encadrement adéquat. A nos yeux, c'est comme si on rendait des bijoux au voleur qui les a volés. Ce procédé serait en contradiction avec l'engagement de la France en faveur des droits de l'homme et avec sa lutte anti-corruption et contre le blanchiment d'argent. Cette restitution inconditionnelle d'actifs irait en sens contraire de ses engagements internationaux en faveur de la restitution dûment encadrée des biens mal-acquis et serait fort dommageable à la réputation de la France.

Que proposons-nous ?

1. Nous pensons que pour être mené à bien, le processus de restitution des actifs volés à la population d’Ouzbékistan doit comporter la tenue, dans ce pays, d'un procès équitable, mené selon une procédure régulière et où tous ceux qui ont participé aux actes de corruption concernant les sociétés de téléphonie mobile devraient rendre des comptes. Dès lors que toutes les sentences prononcées contre Gulnara Karimova, contre ses complices et relatives à ses actifs sont l'aboutissement de simples parodies de justice, nous exigeons qu'un nouveau procès soit mené selon les normes de justice internationalement reconnues. C'est seulement sur la base d'un tel procès que les autorités suisses devraient décider de la restitution des actifs ouzbeks. Et il est clair que ce procès ne peut se tenir sans que soit intervenu tout un ensemble de réformes du système judiciaire ouzbek telles que nous en avons esquissé les principes quant au rapatriement encadré et équitable, dans notre déclaration d'août 2018.

2. Les représentants de Gulnara Karimova soutiennent qu'en prison elle est victime de mauvais traitements et aurait besoin d'un examen et d'un traitement médical approprié. Sans être en situation permettant de juger si ces allégations sont pertinentes, nous estimons que l'on ne devrait pas examiner ou modifier les conditions de détention de G. Karimova sans faire de même pour tous les détenus de cette colonie pénitentiaire ou de toutes les prisons du pays. Plutôt que de créer des conditions particulières pour une seule détenue, les autorités ouzbeks et l'administration en charge des prisons devraient considérer ces allégations comme un appel à porter, les normes existantes en la matière au niveau des normes internationales en matière de droits humains et pour tous les détenus du pays. Et ce sont des observateurs internationaux qui devraient contrôler une telle réforme qui n'a que trop tardé : au minimum des observateurs relevant des mécanismes de l'ONU en matière de droits humaines et des observateurs de la Croix-Rouge internationale.

Dans ce domaine, le premier pas consisterait pour les autorités du pays à assurer le libre accès aux prisons - y compris celle de Zangiata - aux représentants de la Croix-Rouge internationale et des rapporteurs spéciaux de l'ONU en matière de torture et d'indépendance des juges et des avocats. Cet accès permettrait d'établir un tableau fiable des conditions de détention de Gulnara Karimova et de toute la population carcérale du pays.

Pour être précis, nous sommes catégoriquement opposés à la libération de Karimova avant un nouveau procès accessible à ces observateurs et respectueux des normes d'une   justice équitable. L’Ouzbékistan a adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont l'article 14 pose que tout citoyen a droit à un procès équitable. La Suisse ne devrait pas en cautionner la violation.

3. Nous appelons aussi les autorités de Suisse, de France et des autres pays où des actifs ouzbeks sont gelés à se laisser guider par les normes du droit international - y compris les clauses de la Convention des Nations Unies contre la corruption - et par les normes en matière de droits de l’homme telles que (mais pas uniquement) le droit au développement et à un procès équitable. L’affectation des actifs volés par Karimova devrait être examinée et décidée à la lumière de tout le droit international en matière de corruption et des droits humains.

4. Nous demandons au Bureau du procureur fédéral et aux autorités judiciaires suisses compétentes de revoir le cas de Gulnara Karimova et d'examiner honnêtement dans quelle mesure ils peuvent mener enfin à son terme et sans délais le sort des actifs confisqués après avoir été volés à la population d'Ouzbékistan.

5. Nous appelons les autorités françaises à suspendre le transfert aux autorités ouzbeks des actifs de Gulnara Karimova jusqu'à ce que ces autorités agissent aux conditions énoncées plus haut, à savoir : la tenue d'un nouveau procès de Karimova et de ses complices, selon une procédure respectueuse des normes figurant à cet article 14 ; et la mise en œuvre du programme de réformes anti-corruption en Ouzbékistan. Les autorités françaises devraient aussi prendre au sérieux l'appel lancé par deux ONG françaises de premier plan - Sherpa et Transparency International France - pour que la restitution de ces actifs s'effectue dans la transparence totale et en pleine intégrité, et après que ces autorités se soient assurées de l'affectation des fonds transférés uniquement au service de l'intérêt général.

6. Nous demandons au département de la Justice des Etats-Unis qu’il bloque toute mesure menant au rapatriement d'une portion quelconque des actifs de Gulnara Karimova ou à leur restitution sans la mise en place de sauvegardes contre les fraudes susceptibles d'affecter cette restitution.

7. Nous appelons les autorités de Gibraltar à refuser les demandes des avocats de Gulnara Karimova pour que Takilant et Swisdorn y soient à nouveau enregistrées afin qu'elles puissent   récupérer les fonds gelés en Suisse. Toute partie prenante devrait avoir à l'esprit que ces sociétés ont été créées dans le seul but de recevoir des pots-de-vin et qu'elles l'ont fait au profit de G. Karimova. Il a été prouvé que ces fonds étaient issus de la corruption et que ces sociétés les avaient perçus au profit de Gulnara Karimova.  ll a été prouvé que ces fonds provenaient des pots-de-vin versés par des sociétés de télécommunications en échange de l'appui secret et illicite de Gulnara pour leur faire obtenir les licences et les fréquences  nécessaires à la commercialisation de leurs services en Ouzbékistan. Il est évident aussi que les autorités ouzbeks n'ont pas encore adopté les mesures qui assureraient la gestion correcte et intègre des actifs une fois restitués.

8. Nous appelons les pays détenant des actifs de Gulnara Karimova à assurer une pleine transparence dans la préparation du processus d’Appel à la justice Retour des actifs de Karimova - 4restitution des fonds, et de sa mise en œuvre. Nous sommes préoccupés par le montant annoncé des restitutions.  Gulnara Karimova, dans le communiqué cité plus haut, ne désigne que deux montants gelés en Suisse et susceptibles d'être restitués :  131 millions et 555 millions de francs suisses (soit 686 millions de CHF).  Ce montant est nettement inférieur aux 800 millions de CHF annoncés par les autorités fédérales en 2012. Nous notons aussi que Karimova garde le silence sur le montant du contenu de ses coffres dans des banques suisses.

Dans un communiqué du 24 juin 2019, le Bureau du procureur fédéral a indiqué que 130 millions de CHF avaient été confisqués et que leur transfert en Ouzbékistan était en cours de préparation. Le même rapport indique que 650 millions de CHF concernant cinq suspects sont toujours en cours d'examen en vue de leur confiscation. Au total ceci représente donc 780 millions de CHF.

Or, si l'on prend en compte les intérêts bancaires, le total des avoirs de Gulnara Karimova libellés en francs suisses devraient atteindre aujourd'hui 912 millions au moins (en tablant sur un taux de 2% par an et une période de 7 ans). La différence atteint donc probablement quelque 130 millions de CHF qui n'ont pas été pris en compte ou n'ont pas été portés à la connaissance du public.

9. Nous sommes catégoriquement opposés à la restitution à G. Karimova et à tout autre demandeur des actifs volés. Tout actif gelé devrait être transféré en Ouzbékistan après avoir été confisqué mais seulement à des conditions acceptables (ce qui signifie que ce transfert ne peut se faire dans l'immédiat).

10.  Nous restons attachés aux principes devant présider au rapatriement des actifs ouzbeks, tels que nous les avons énoncés en août 2018. Le principe central étant qu'avant la prise de contrôle des actifs de Karimova, par les autorités ouzbeks, certaines réformes doivent être adoptées dans ce pays afin que des mécanismes et des pratiques anti-corruption y soient instaurés, à savoir :
  • création d'une justice indépendante;
  • réforme administrative en tant que partie spécifique de la réforme judiciaire et mise en place de procédures pour résoudre les conflits d'intérêts;
  • exiger de tous les fonctionnaires, des juges et des membres du Parlement qu'ils publient chaque année le montant de leurs revenus et de leur patrimoine ainsi que ceux des membres de leur famille; et que ces déclarations soient accessibles au public;
  • faire en sorte que soit assurée la transparence des finances publiques et que soient créées les conditions de la liberté d'association et de la presse.
Il est possible de mesurer les progrès accomplis dans la mise en œuvre de ces réformes en recourant aux critères internationaux que nous avons proposés dans notre déclaration d'août 2018.

Enfin et surtout, ces réformes cruciales devraient être mises en œuvre non pas au terme du processus de restitution mais avant qu'il ne débute, afin de garantir que ces biens ne seront pas à nouveau pillés mais mis au service de la population d'Ouzbékistan, principale victime de la corruption. Nous ne pouvons compter sur les promesses de réforme ni même sur l'adoption préalable d'une législation anti-corruption. En Ouzbékistan nombre de lois d'inspiration progressiste ont été adoptées mais ne sont pas appliquées. Ce sont des changements structurels des normes et des pratiques existantes et non des progrès sur le papier qui doivent être la condition-clé de toute restitution.

Nous vous prions de recevoir, Mesdames, Messieurs, l’expression de nos sentiments les meilleurs.

Nadejda ATAYEVA, présidente de l'Association Droits de l'Homme en Asie Centrale, Le Mans (AHRCA), France, n.atayeva@gmail.com  (personne de contact)

Umida NIYAZOVA, directrice du Forum ouzbéko-allemand pour les droits de l'homme (UGF), Berlin, Allemagne, umida.niyazova@gmail.com  (personne à contacter)

Jodgor OBID, membre du Pen-Club international, réfugié politique ouzbek, résidant en Autriche

Agzam TURGUNOV, ancien prisonnier d'opinion (2008-2017), Ouzbékistan

Muhammad BEKJANOV, journaliste, ancien prisonnier d'opinion (1999-2017), résidant aux Etats-Unis

Alisher TAKSANOV, journaliste, réfugié politique ouzbek, résidant en Suisse

Dilya ERKINZODA, réfugiée politique ouzbèke, résidant en Suède

Alisher ABIDOV, réfugié politique ouzbek, résidant en Norvège

Sergey NAUMOV, journaliste et militant des droits humains, Ouzbékistan

Daniel ANDERSON, réfugié politique ouzbek, résidant en Norvège

Mirrakhmat MUMINOV, réfugié politique ouzbek, résidant aux Etats-Unis.


14.6.19

Déclaration de soutien à Steve Swerdlow, collaborateur de HRW


A Tachkent, Steve Swerdlow - chercheur pour les pays de l’Asie centrale à l’organisation de défense des droits Human Rights Watch - a été victime d’une provocation de la part d’un groupe d’individus coordonnés par un certain Sardor Kamilov, responsable du site internet SAYYOD.COM.

Selon les informations dont on dispose, le 13 juin 2019, un homme demande à l’employé de la réception de l’hôtel où séjournait Steve Swerdlow d’appeler la chambre de celui-ci pour l’entretenir d’un cas de violation des droits de l’homme. Swerdlow décide de répondre à cette sollicitation. Dans le hall de l’hôtel, un groupe d’inconnus de lui, l’accueille alors par des propos haineux et le harcèle. En quelques secondes, il est encerclé par des personnes manifestement hostiles qui, sans son accord, se mettent à filmer la scène en vidéo tout en commentant de manière agressive les tentatives de Steve pour comprendre ce qui lui arrive. Le dénommé Sardor Kamilov, voyant le désarroi de Swerdlow, lui propose alors, cynique, des gouttes de valériane, tout en l’accusant de tenir des propos critiques sur l’Ouzbékistan et de diffuser de la propagande hostile à ce pays.

Durant cette scène, les employés de l’hôtel sont restés pratiquement passifs alors même qu’ils voyaient S. Swerdlow entouré d’individus au comportement imprévisible.

Déjà deux vidéos de cette scène ont été diffusées sur la page sayyod.com de Facebook et sur YouTube, qui ont eu un vaste écho.

Steve Swerdlow fut obligé de faire appel au service de sécurité de l’hôtel puis de quitter celui-ci très rapidement.

Un membre du gouvernent ouzbek ayant eu connaissance de cet incident, a déclaré que celui-ci ne resterait pas ignoré. Pour sa part, le médiateur (ombudsman) d’Ouzbékistan a, lui aussi, été informé de l’incident.

Divers indices donnent à cette agression psychologique sur la personne de S. Swerdlow - représentant d’une organisation de défense des droits faisant autorité - l’allure d’un acte commandité. Il n’est pas exclu que l’opération en question ait été commanditée par un groupe influent situé au sein du pouvoir ouzbek et souhaitant intimider un visiteur étranger, lui faire craindre pour sa sécurité. Si tel n’est pas le cas, alors le Service de la sécurité nationale doit reconnaître son incapacité à assurer non seulement la sécurité des défenseurs ouzbeks des droits mais, désormais, aussi celle de leurs homologues étrangers. Ce qui est arrivé à Steve Swerdlow doit être pris en compte non seulement par tous les observateurs indépendants, les diplomates dont, au premier chef, ceux des pays membres du Comité pour les droits de l’homme des Nations-Unies, et les journalistes, en particulier ceux qui demandent l’autorisation de se rendre en Ouzbékistan.

L’Ouzbékistan est membre de l’Organisation des Nation-Unies et a ratifié nombre des conventions internationales portant sur les droits de l’homme. Manifestement, Sardor Kamilov ne comprend toujours pas que le rôle d’un défenseur des droits consiste précisément à donner un avis impartial sur le respect des obligations auxquelles a souscrit l’Etat en signant ces conventions. Et aussi que de ce respect dépendent le climat dans lequel s’effectuent les investissements et la confiance dans les réformes annoncées par le gouvernement d’Ouzbékistan. Steve Swerdlow avait obtenu l’autorisation de se rendre en Ouzbékistan précisément en tant que membre de HRW - une organisation qui jouit du statut d’ONG auprès du Conseil économique et social (ECOSOC) des Nations Unies.

Quiconque est en désaccord avec tel ou tel jugement porté par un défenseur des droits peut contester celui-ci de manière civilisée, sans recourir à l’agression, sans humilier l’auteur de ce jugement et dans le respect de la légalité. Or, depuis quelque temps, sous prétexte de liberté de parole, certains individus qui se disent journalistes ou blogueurs, portent des accusations en  violation du principe de présomption d’innocence, se  livrent à des menaces,  au chantage, pénètrent dans la  sphère privée d’autrui au mépris du droit à la protection  des données personnelles, manipulent les faits, font usage de faux  et  recourent à des méthodes illégales de recueil des données,  mus par on ne sait quelle manie, quel fanatisme. Ce sont là des procédés contraires au droit   et que de nombreux pays - dont l’Ouzbékistan - répriment. Même si l’agression contre Steve Swerdlow a été perpétrée sans l’aval des services spéciaux et sans avoir été commanditée par des fonctionnaires allergiques à toute critique, l’inertie des forces de l’ordre et de la justice n’exonère pas de sa responsabilité l’Etat sur le territoire duquel de tels actes illégaux ont été commis.

Depuis deux ans (2017-2019) l’Association Droits de l’Homme en Asie Centrale fait l’objet d’une agression haineuse de la part d’un groupe d’individus qui se retrouve en procès - celui que cette association lui a intenté. Il est impossible, en effet, de ne pas réagir à de tels procédés. Et il est indispensable de conjuguer les efforts de tous pour contraindre les auteurs de tels agissements à répondre des pressions inqualifiables qu’ils exercent sur les auteurs de critiques.

Nous exprimons à Steve Swerdlow notre entier soutien. Nous ne doutons pas qu’il aura   l’appui de très nombreux citoyens d’Ouzbékistan comme celui de ses collègues.

La conduite de Sardor Kamilov et des autres participants à ces pressions psychologiques est certainement l’exception et non la règle.

Steve Swerdlow et le collectif de HRW jouissent d’une grande confiance et dans les situations difficiles et dangereuses, conservent toujours une attitude d’indépendance et de fidélité aux principes qui sont les leurs. La mission de Human Rights Watch en Ouzbékistan était la première en date dans ce pays après l’accession au pouvoir du président Chavkat Mirziyoyev, avec l’espoir d’établir un dialogue constructif en matière de droits de l’homme. Nous attendons de lire qu’elle est la position prise par HRW au sujet de l’épisode rapporté ici.

Nous voulons espérer que Tachkent saura exprimer son positon au sujet de ce qui est arrivé au représentant de HRW lors de son séjour en Ouzbékistan et expliquer à l’opinion :
            - comment il se fait que le blogueur Sardor Kamilov et ceux qui l’accompagnaient aient pu savoir dans quel hôtel était descendu le défenseur des droits Steve Swerdlow ?
            - pourquoi l’hôtel n’a-t-il pas assuré à son hôte, qui résidait légalement dans son établissement, la protection qui lui était due ?
            - pourquoi, à ce jour, les services de la procurature ne se sont-ils pas prononcés sur la qualification juridique des agissements de Sardor Kamilov et des autres agresseurs ?
            - Sardor Kamilov et les autres agresseurs ont-ils eu la possibilité de discuter de tous ces thèmes dans des conditions d’ouverture et de respect mutuel ?

Les représentants officiels de l’État ouzbek, depuis la tribune de hautes instances internationales, proclament leur attachement au respect des droits de l’homme et leur désir de dialogue. Toutefois, ce qui vient d’arriver au représentant de HRW, Steve Swerdlow, montre que, pour l’heure en Ouzbékistan, les conditions de sécurité des participants à ce processus ne sont pas assurées.