13.5.15

Ouzbékistan : disparition du défenseur des droits de l’homme Nouraddin Djoumaniïazov, incarcéré depuis mars 2014

L’avocate du défenseur des droits de l’homme Nouraddin Djoumaniïazov, incarcéré depuis plus d’un an, n’a pu recevoir aucune information sur le lieu de détention actuel de son client. Elle est dans l’impossibilité de lui rendre visite, alors même qu’elle en a reçu l’autorisation, le 20 avril 2015. 

Leur dernière rencontre date de mars 2014, lorsqu’eut lieu son procès. Nouraddin Djoumaniïazov avait alors demandé à son avocate de l’aider à se procurer des médicaments, et lui avait confié être très sérieusement malade. Ses proches ne le soutenant d’aucune manière, le défenseur des droits de l’homme est dans une très grande solitude. 

Souffrant de diabète, il était en très mauvais état de santé en octobre 2014, et a été admis au centre hospitalier pénitentiaire (УЯ 64/18) de Tachkent. Depuis lors, aucune information sur sa situation n’a été transmise. 

Nouraddin Reimberguenovicth DJOUMANIÏAZOV est né le 8 octobre 1948 à Tourtkoul dans la république autonome socialiste soviétique du Karakalpakstan. Il est citoyen d’Ouzbékistan. Il a deux enfants. 
Depuis 2003, il travaille au Centre de défense des droits de l’homme “Mazloum” dont il est l’un des fondateurs. En 2012, il participe à la création de l’Union des professeurs indépendants en soutien aux migrants du travail, et prend la tête de la section de Tachkent.
En janvier 2014, il est accusé de “trafic d’êtres humains” sur la base de l’article 135, paragraphe 3, alinéa “G” du Code pénal d’Ouzbékistan, tout comme son collègue, l’activiste des droits de l’homme Fakhriddin Tillaïev.
Le 6 mars 2014, le tribunal pénal du district de Shaïkhantaour de la ville de Tachkent a condamné Nouraddin Djoumaniïazov à huit ans et neuf ans mois d’incarécaration. Fakhriddine Tillaïev a quant à lui été condamné à purger une peine de dix ans et huit mois.
Le verdict a été confirmé en appel, alors même que la défense avait apporté les preuves que les droits de Nouraddin Djoumaniïazov et de Fakhriddine Tillaïev avaient été bafoués. 
Un fond caritatif a récemment apporté de l’aide à Nouraddin Djoumaniïazov en lui fournissant des médicaments et de la nourriture.  Son avocate avait voulu rencontrer son client à ce propos et recevoir son accord pour rédiger une demande de remise en liberté pour raison de santé. 
L’Association des Droits de l’homme en Asie centrale est extrêmement inquiète face à l’impossibilité pour l’avocate de Nouraddin Djoumaniïazov de lui rendre visite et d’obtenir de ses nouvelles. Le défenseur des droits de l’homme est depuis longtemps malade et vit actuellement dans des conditions qui altèrent gravement sa santé. Nous craignons que les conséquences en soient très graves.

L’Association des droits de l’homme en Asie centrale a adressé un rapport sur le cas de Nouraddin Djoumaniïazov au groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées, au Rapporteur spécial sur la torture, et au Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme. 

Pour plus d’information, lire les précédents communiqués de l’Association des Droits de l’homme en Asie centrale à ce sujet :
-  “Ouzbékistan : le défenseur des droits de l’homme Nouraddin Djoumaniïazov a été hospitalisé”, 14 octobre 2014;
- “Ouzbékistan : la Cour suprême confirme la condamnation de Nouraddin Djoumaniïazov et de Fakhriddine Tillaïev”,  14 octobre 2014;
-  “Ouzbékistan : les condamnations de Nouraddin Djoumaniïazov et de Fakhriddine Tillaïev confirmées en appel”, 21 avril 2014; 
-  “Ouzbékistan : deux défenseurs des droits de l’homme condmanés à huit ans et trois mois de prison”, 6 mars 2014; 
- “Ouzbékistan : Fakhriddine Tillaïev menacé de purger une longue peine d’incarcération”, 14 février 2014.

Ouzbékistan : dix ans d’impunité pour le massacre d’Andijan

J’ai fui l’Ouzbékistan en 2000, cinq ans avant le massacre d’Andijan, au cours duquel le gouvernement ouvrit le feu sur des civils qui manifestaient contre le régime répressif du pays et contre ses politiques économiques désastreuses.

Pour la grande majorité, les manifestants étaient non-armés. Des centaines, voire des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont été tués alors qu’ils tentaient de s’enfuir.
Cela fait dix ans aujourd’hui qu’a eu lieu le massacre, l’un des actes de répression gouvernementale les plus barbares de l’ex-Union soviétique.
Personne n’a eu à rendre de comptes. Beaucoup de corps ont été enterrés dans des fosses communes, ou jetés dans la rivière Karassou, à la frontière entre le Kirghizstan et l’Ouzbékistan. Leurs familles continuent d’être persécutées.
En Ouzbékistan, mon père travaillait pour le ministère de l’Agriculture. Il a été témoin du mensonge de ses supérieurs qui affirmaient que l’Ouzbékistan était autosuffisant en matière de céréales, une vraie obsession à cette époque, et n’avait donc pas besoin d’importer des céréales.
Il eut peur qu’une famine en résulte et tenta de prendre contact avec le président Karimov. Le lendemain, les services secrets lui rendirent visite et le forcèrent à signer une lettre d’aveux dans laquelle il reconnaissait avoir volé ces céréales. Nous nous sommes enfuis, et pendant longtemps personne ne crut à notre histoire.
ASILE EN FRANCE
Par la suite, le massacre d’Andijan eut lieu et, pendant un temps, l’on prêta davantage attention à l’Ouzbékistan. J’ai reçu l’asile en France, où j’habite à présent. De voir la force de l’activisme citoyen en France après le massacre fut une révélation pour moi. Pendant si longtemps, j’ai cru que la politique ne se résumait guère qu’aux lubies d’une seule personne : je n’avais jamais rien connu d’autre auparavant.
Mais dix ans plus tard, la mémoire d’Andijan s’est estompée quelque peu, sauf pour nous, les Ouzbeks qui, dans le pays ou en exil, vivons toujours dans la peur.
Il ne fait pas de doute que la vie en Ouzbékistan a empiré depuis 2005. Le niveau de corruption et la situation des droits de l’Homme sont catastrophiques :
  • pas de libertés civiques ;
  • près de 12 000 prisonniers politiques ;
  • le travail forcé de millions de personnes pour la cueillette du coton, y compris des enfants jusqu’à il y a peu ;
  • pas d’opposition politique.
La fille du Président, très présente sur Twitter, la très glamour Gulnara Karimova, a pendant un temps été vue comme une candidate possible à la succession de son père. A la suite de discordances publiques avec ce dernier, Gulnara est tombée en disgrâce et est désormais assignée à résidence à Tachkent.
Le flux de réfugiés fuyant l’Ouzbékistan ne cesse d’augmenter. Mais fuir le pays ne signifie pas la fin de nos problèmes. Des milliers de citoyens ouzbeks, dont beaucoup ont été des témoins visuels du massacre d’Andijan, ont été inscrits de façon illégale par les autorités ouzbèkes sur la liste Interpol de surveillance du terrorisme.

Karimov « réélu »

Plusieurs citoyens ouzbeks ont été renvoyés de force vers l’Ouzbékistan depuis des pays européens. La Norvège a renvoyé un groupe d’Ouzbeks en 2014 ; ils ont par la suite été torturés et condamnés à douze années de prison. La Suède, la Lettonie, la Pologne, la France et le Royaume-Uni commencent également depuis peu à négliger les preuves pourtant accablantes de torture et de répression dans l’étude des demandes d’asile en provenance d’Ouzbékistan.
Alors que la vie des Ouzbeks empire, celle du Président Karimov et de ses proches ne fait que s’améliorer. Karimov, à la tête du pays depuis 1989, fut « réélu » en mars dernier pour un quatrième mandat anticonstitutionnel.
Les élections, comme toujours, furent une mascarade. Loin de toute critique, Karimov reçut les félicitations du Président Obama et d’autres dignitaires importants. Karimov et son cercle d’intimes profitent toujours aussi grassement de l’industrie cotonnière du pays, qui repose sur le travail forcé.
Des investisseurs étrangers comme General Motors ou le géant scandinave des télécommunications TeliaSonera se voient soutirer de l’argent et de la main-d’œuvre pour la récolte du coton, dont les bénéfices disparaissent ensuite dans une caisse noire contrôlée par les plus hautes instances du pays.

« Je ne suis pas en sécurité en France »

Je sais que je ne suis pas en sécurité en France. Les diplomates ouzbeks en Europe prennent part à la surveillance des dissidents à l’étranger. Plus de la moitié des membres des services diplomatiques ouzbeks est liée au Service de sécurité nationale (SNB). Les ambassades ouzbèkes en France et ailleurs en Europe coordonnent les activités de renseignement de l’Ouzbékistan au sein de l’Union européenne (UE).
Chaque jour, je sais que je peux être enlevée. Chaque fois que je quitte la France, mes proches me conseillent de rester ou d’être particulièrement prudente. Je ne téléphone plus à personne en Ouzbékistan, de peur qu’ils ne soient interrogés. En juillet 2013, j’ai été condamnée par contumace à six années de prison. Il n’y a aucune preuve que j’aie un jour commis un crime quelconque, et je n’ai jamais signé d’aveux.
Face à cet autoritarisme grandissant, l’UE doit revoir sa position vis-à-vis de l’Ouzbékistan. La France peut l’y aider. Les sanctions de l’UE à l’encontre de l’Ouzbékistan ont été levées en 2009. Et pourtant, la situation n’a fait qu’empirer.
La France peut exiger du gouvernement ouzbek :
  • que l’accréditation de l’ONG Human Rights Watch soit rétablie ;
  • que la mission de l’OSCE en Ouzbékistan soit autorisée à mener à bien son travail ;
  • qu’au vu des violations actuelles des droits de l’Homme dans le pays, un rapporteur spécial des Nations unies pour l’Ouzbékistan soit désigné.
Pour moi et pour bien d’autres, l’aspect le plus difficile de ma présence en France, loin de chez moi, est psychologique. Je me réveille chaque matin dans mon ancienne chambre, à Tachkent.
Un collègue, défenseur des droits de l’homme, est retourné illégalement en Ouzbékistan lorsqu’il apprit que sa mère était gravement malade. Depuis, il a disparu. Je ne pourrais jamais risquer un tel voyage. Nous espérions que les choses changeraient après Andijan… nous avions tort.
En Ouzbékistan, nous sommes revenus à la période soviétique, peut-être même pire encore.




Dix ans tragédie d'Andijan


6.5.15

Intervention lors de la réunion de la sous-commission “droits de l’homme” du Parlement européen dans le contexte du dialogue “Union européenne - Asie centrale. Stratégie d’un nouveau partenariat”

Bruxelles, Belgique


Mesdames, messieurs,

Je m’adresse ici à tous ceux présents dans cette salle. Je souhaiterais attirer votre attention sur la situation des droits de l’homme en Ouzbékistan, dix ans après la tragédie d’Andijan.

Le meurtre de masse commis par le gouvernement du dictateur Islam Karimov, le 13 mai 2005, est un crime auquel aucun délai de prescription ne s’applique. Et la nécessité qu’une enquête internationale indépendant soit menée persiste.

L’utilisation non justifiée d’armes à feu a provoqué de nombreuses victimes. La tragédie d’Andijan est une conséquence légale de la politique de répression mise en place par le régime d’Islam Karimov. Cette politique exclut tout respect de la Constitution et des accords internationaux conclus en matière de droits de d’homme, et ratifiés par l’Ouzbékistan.

Les sanctions adoptées par l’Union européenne à l’encontre de l’Ouzbékistan, après la tragédie d’Andijan, a envoyé un signal fort, montrant que l’Union européenne se préoccupait du respect des droits de l’homme. Cependant, les sanctions ont été levées, alors même que les conditions à cette suppression n’avaient pas été remplies. Puis, en 2007, l’Union européenne a ouvert un dialogue avec le gouvernement d’Ouzbékistan en matière de droits de l’homme. Un marchandage politique a ainsi débuté face à la détérioration de la situation des droits de l’homme en Ouzbékistan.

Actuellement, plus de 200 mille personnes sont emprisonnées, et non 46 mille, selon les données officielles. Parmi eux près de 12 mille personnes sont des prisonniers politiques, dont 40 activistes de la société civile. L’ancien député du Parlement d’Ouzbékistan Mourad Djouraev s’est vu prolonger sa peine d’emprisonnement à cinq reprises successivement : cela fait 21 ans qu’il est incarcéré. Les défenseurs des droits de l’homme Isroil Kholdarov, Azam Farmonov, Ganikhon Mamatkhanov et le journaliste Moukhammad Bekjanov purgent actuellement une peine de prison qui a déjà été reconduite une fois.

Toutes les tentatives pour contester ces condamnations sont restées lettres mortes face à une Justice dépendante de l’exécutif, au même titre que le pouvoir législatif. A l’issue des dernières élections législatives, huit juges, dont l’un est également membre d’un parti politique, ont été élus députés. Cela ne fait que peu de temps que leurs prérogatives attachées à leur fonction judiciaire leur ont été retirées. Et le fait que le président de la Cour constitutionnelle, également président de la Commission électorale, les ait autorisés à se présenter aux élections témoigne d’irrespect total envers la Constitution. Tout comme le fait que le dictature Islam Karimov soit reconduit à la présidence du pays pour la quatrième fois successive.

Au cours des dix dernières années, 487 activistes de la société civile ont été victimes de répression, tandis que leurs proches souffrent de discrimination. Chaque année, le nombre de réfugiés originaires d’Ouzbékistan augmentent. Pendant cette période, notre organisation a reçu des demandes d’aide de plus de 1112 réfugiés ouzbékistanais. Il est impossible de connaître le nombre exact de réfugiés ouzbékistanais à travers le monde, car tous ne s’adressent pas au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Jusqu’à présent, les procédures pour obtenir le statut de réfugiés n’étaient pas connues de tous, et beaucoup préfèrent ainsi rester dans l’illégalité. Sur la base d’accusations fabriquées de toutes pièces, des avis de recherches ont été lancés via Interpol à l’encontre de milliers de citoyens ouzbékistanais, notamment à l’encontre de tous ceux qui ont été témoins de la tragédie d’Andijan, des célèbres défenseurs des droits de l’homme Loutfoullo Chamsoutdinov et Mouzaffarmirzo Iskhakov, et de bien d’autres encore.

Il est inadmissible de poursuivre un dialogue strictement formel sur les droits de l’homme entre l’Union européenne et l’Ouzbékistan. Cela mène à une augmentation du nombre des victimes de violations des droits de l’homme et des réfugiés ouzbékistanais, y compris illégaux.

Les gouvernements des États membres de l’Union européenne prêtent toujours moins attention à la situation des droits de l’homme en Ouzbékistan. Ils multiplient toujours plus les obstacles pour accueillir les réfugiés ; les demandes adressées par des organisations de défense des droits de l’homme aux services de migration restent souvent sans réponses. Et cela, même quand les conclusions des défenseurs des droits de l’homme concernant les violations des droits des réfugiés sont documentées et fondées sur des preuves concrètes. Non seulement la justice et les organes du pouvoir ouzbékistanais ignorent les plaintes des victimes de tortures, mais désormais les pays européens ont également cessé de réagir. Ainsi, un groupe de citoyens ouzbékistanais a été contraint de quitter la Norvège. Après leur retour forcé en Ouzbékistan, en totale violation du principe de présomption d’innocence, on les a qualifiés à la télévision, avant leur procès, de “terroristes” et de “traîtres à la patrie”. Ensuite, ils ont été condamnés à des peines de prison allant jusqu’à douze ans de réclusion. Tous ont été victimes d’actes de torture. Cela a été l’une des conséquences de la politique norvégienne. Peu de temps après, ce pays a décidé d’interrompre temporairement les expulsions des demandeurs d’asile ouzbékistanais vers leur pays d’origine. Cependant, la Norvège refuse toujours d’accorder l’asile même aux défenseurs des droits de l’homme ouzbékistanais. Cette pratique se retrouve également en Suède, en Lettonie, en Pologne. La France et la Grande-Bretagne ont aussi arrêté d’étudier formellement les dossiers des réfugiés ouzbékistanais. Ces pays ignorent les preuves irréfutables de la pratique de la torture en Ouzbékistan et les conséquences d’un long séjour à l’étranger pour les citoyens ouzbékistanais. Si certains migrants vivent à l’étranger plus longtemps que la durée autorisée, ils deviennent alors coupables de l’infraction décrite par l’article 223 du code pénal de la république d’Ouzbékistan (sortie illégale du territoire ou entrée illégale en République d’Ouzbékistan).

Cette politique s’applique de plus en plus aux représentants de communautés et d’organisations religieuses, mais également aux entrepreneurs. Elle concerne en particulieur ceux qui ont été victimes d’actes de corruption et d’opérations de mainmise sur leurs biens, notamment par les proches de la fille d’Islam Karimov et par les hauts fonctionnaires de services nationaux de sécurité (SNB).

En rejetant la demande d’asile d’entrepreneurs ouzbékistanais, les services de migration ignorent le fait que le droit de propriété n’est en rien défendu en Ouzbékistan, et, que tout ce qui a trait à la fiscalité y est hautement corrompu. Le département des impôts est dirigé par l’un des plus riches et influents personnages d’Ouzbékistan, Batyr Parpiev, un proche de Roustam Inoïatov, directeur du SNB. Ce dernier est l’un des douze hauts fonctionnaires ouzbékistanais qui ont été interdits d’entrée sur le territoire de l’Union européenne de 2005 à 2009.

Pendant les 26 années de règne d’Islam Karimov, pas un directeur ou responsable, y compris le président lui-même, n’a déclaré ses revenus. En outre, leurs biens ne correspondent évidemment pas à leurs revenus officiels. Dans un tel pays, il est très difficile d’être protégé d’actes de torture, de compter sur une enquête judiciaire juste, et même de rester en vie. Voilà pourquoi désormais les entrepreneurs demandent l’asile. Certains travailleurs émigrés ouzbékistanais, qui vivent quelques mois à l’étranger, cherchent également a obtenir le statut de réfugiés. Lorsqu’ils reviennent en Ouzbékistan, on leur extorque des pots-de-vin, on les contraints sous la torture à délivrer de faux témoignages contre eux-mêmes et contre ceux avec qui ils ont été en contact à l’étranger.

Les services de migration des États membres de l’Union européenne prennent rarement en considération le fait que les réfugiés originaires des pays d’Asie centrale sont loin d’avoir la possibilité de documenter et de prouver formellement les motivations politiques de leur persécution.  En Ouzbékistan, presque tous ceux soumis à un interrogatoire n’ont pas reçu de convocation, et aucune enquête n’est menée lorsque des actes de torture sont perpétrés. Par exemple, en 2014, le défenseur des droits de l’homme Fakhriddine Tillaïev, alors en détention provisoire, a été torturé pendant l’enquête. Son avocat a alors immédiatement requis une expertise médico-légale, mais le Parquet général et le tribunal ont ignoré sa demande.

Un autre problème très grave : les services de sécurité ouzbékistanais jouissent de pouvoirs illimités. Ils sont ainsi mandatés au sein de l’Organisation de coopération de Shanghaï et de l’Organisation du traité de sécurité collective. Les échanges de réfugiés avec la Russie, le Kirghizstan, le Kazakhstan et le Tadjikistan sont devenus des pratiques habituelles. Plus de 100 réfugiés originaires de Och, vivant en Ouzbékistan illégalement et soumis à un contrôle total de la part du SNB, sont menacés d’être expulsés vers le Kirghizstan. 

Au cours des quatre derniers mois, notre organisation a comptabilisé quatorze cas d’enlèvements et de disparitions de citoyens ouzbékistanais. Depuis 2007, trois personnes ont été assassinées en raison de leur opposition politique au régime d’Islam Karimov, tandis que plusieurs attentats pour des motifs politiques ont été commis : à l’encontre de Moukhammad Salikh en Norvège et en Turquie, et à l’encontre de l’autorité religieuse Obid kori Nazarov en Suède. Nous observons également que beaucoup de réfugiés politiques en Suède, en Norvège, aux Pays-Bas, en France, au Canada et aux États-Unis sont menacés ou victimes de chantage. Nous avons l’intention de saisir de cette question les Parquets généraux de ces pays. 

Selon les informations de notre organisation, des diplomates ouzbékistanais participent à ces activités. Si jusqu’en 2007, le corps diplomatique d’Ouzbékistan était composé à hauteur de 20% d’anciens fonctionnaires des services nationaux de sécurité et de leurs agents, ces derniers en constituent désormais plus de 50%. Selon une source fiable, les ambassades d’Ouzbékistan coordonnent les activités de renseignement dans les États membres de l’Union européenne. Toutes les candidatures à des fonctions diplomatiques sont confirmées par le SNB. Nous avons remarqué que des oligarques ouzbékistanais, contrôlés par le SNB, sont impliqués dans les menaces adressées aux réfugiés politiques et dans les agressions de ces derniers. L’ancien premier adjoint du directeur des services de sécurité, Khaïot Charifkhodjaïev, et sont petit frère, Djavdat Charifkhodjaïev, actuellement en prison, sont célèbres dans l’opinion publique. Quelques années auparavant, grâce à leurs postes dans la fonction publique, ils ont soumis de riches entrepreneurs au chantage, obligeant certains à financer des opérations spéciales de liquidation d’opposants au régime d’Islam Karimov vivant à l’étranger. Tous ont en leur possession les preuves indispensables pour contrer cette pratique.

En dix ans, l’Association des Droits de l’homme en Asie centrale a recensé 114 cas de meurtres, d’enlèvements, et de disparitions, auxquels ont participé le SNB, des diplomates et des oligarques.

En Ouzbékistan, les citoyens originaires du Karakalpakstan sont victimes de discrimination. Ils ne sont pas persécutés seulement pour leur opinion politique ou militantisme en faveur de l’indépendance de cette république autonome. Alors qu’ils sont victimes de la pollution de leur environnement naturel, pas un n’a encore été reconnu “réfugié environnemental”. Dans le cadre du dialogue sur les droits de l’homme, il est indispensable d’inclure un programme de soutien à la population du Karakalpakstan.

Il est inadmissible de poursuivre un dialogue strictement formel sur les droits de l’homme entre l’Union européenne et l’Ouzbékistan. Le dialogue actuel ne fait qu’encourager la répression et nécessiterait d’une réforme en profondeur.

Il est indispensable que l’Union européenne revienne à ses premières exigences, qui avaient été adressées au gouvernement d’Ouzbékistan lors de l’annulation des sanctions en 2009, et qui depuis lors n’ont toujours pas été remplies. Il est également grand temps d’appliquer larésolution adoptée par le Parlement européen en octobre 2014. Le Parlement européen doit rappeler encore une fois qu’il est très important que l’Union européenne mène une politique cohérente envers l’Ouzbékistan.


1. une enquête internationale indépendante sur la tragédie d’Andijan qui s’est produite en 2005;

2.  la libération des défenseurs des droits de l’homme et des autres activistes de la société civile emprisonnés;

3. le rétablissement de l’accréditation de Human Rights Watch et de ses représentants dans le pays;

4. la création des conditions nécessaires aux visites des délégués du Comité international de la Croix-Rouge des lieux de privation de liberté;

5. la suppression de la pratique du travail forcé;

6. l’autorisation pour les onze Rapporteurs spéciaux thématiques des Nations unies d’entrer sur le territoire ouzbékistanais.

7. Comme le gouvernement d’Ouzbékistan refuse de coopérer avec les organes de défense des droits de l’homme des Nations unies, et viole de manière grossière et systématique les droits de l’homme, il faut que le Conseil des droits de l’homme des Nations unies soutienne les Rapporteurs spéciaux concernant l’Ouzbékistan.

Mesdames, messieurs,

À la veille de la commémoration des dix ans de la tragédie d’Andijan, je m’adresse à nouveau à vous. J’espère sincèrement, qu’une nouvelle stratégie pour les relations de l’Union européenne avec l’Ouzbékistan sera adoptée. En tant que citoyenne ouzbékistanaise, je souhaite que la liberté d’expression soit respectée dans mon pays, qu’un système de justice indépendant y voit le jour, que de solides conditions pour la défense des droits et des libertés fondamentaux y soient créées. L’Union européenne a la possibilité ici de contribuer de manière historique au développement démocratique de l’Ouzbékistan.


Nadejda Atayeva



5.5.15

Kirghizstan : une mère et son nourrisson placés en détention préventive

Depuis le 29 avril 2015, une mère est maintenue en détention provisoire avec son nourrisson de cinq mois.
Nazgoul Akhmatilieva a été incarcérée dans le centre de détention provisoire n°5 de la ville de Och (Sud du Kirghizstan, vallée du Ferghana) avec son nourrisson. Née le 9 novembre 1988, elle est mariée et a deux enfants. 

Nazgoul Akhmatilieva est accusée de fraude sur la base de l’article 166 du Code pénal de la République d’Ouzbékistan. Elle n’avait jamais été poursuivie en justice auparavant. Après avoir fini ses études secondaires, elle a été engagée comme ouvrière par l’entreprise suisso-kirghize “Oriflame-Kirghizstan”. Sur les instances de son directeur, elle a rédigé un récépissé déclarant qu’elle aurait reçu sept mille dollars US. Elle a été persuadée après de longues discussions que ce récépissé ne lui conférait aucune responsabilité. Peu de temps après, Nazgoul Akhmatilieva est tombée enceinte, puis est partie en congé de maternité. A aucun moment, elle n’a reçu la moindre compensation financière ou matérielle pour ce récépissé, et n’a jamais été matériellement responsable. Deux femmes, qui ont  déjà été jugées, avaient écrit le récépissé à sa place, et l’avaient convaincue en la dupant de signer le document. Nazgoul Akhmatilieva a donc signé le récépissé sans comprendre clairement son contenu.  


Elle a été convoquée pour la première fois, le 14 avril 2015. Le lendemain soir, après le second interrogatoire, elle s’est trouvée très mal et ses proches ont été contraints d’appeler les urgences. Les médecins ont diagnostiqué un état de santé critique. Une telle détérioration  aurait été provoquée par les interrogatoires auxquels elle a été soumis. Une expertise médico-légale a ensuite été décidée, et selon ses résultats, Nazgoul Akhmatilieva se trouvait dans un état de psychose suite à un choc nerveux. Le rythme de sa parole était alors hâché, et après son arrestation, elle a complètement arrêté de parler. Sa mise en examen a été un choc encore plus grand. 

Le 29 avril 2015, Nazgoul Akhmatilieva a été placée en détention provisoire pour une durée de 18 jours sur décision du tribunal de la ville de Och. Dans un très mauvais état de santé, Nazgoul Akhmatilieva se trouve incarcérée avec son nourrisson qu’elle continue à nourrir. Alors que ce dernier souffre de la rougeole et qu’il est très affaibli, les médecins ne recommandent pas de séparer l’enfant de sa mère. Cependant, dans de telles conditions, il est également très fortement exposé à la tuberculose. 

Depuis son inculpation, Nazgoul Akhmatilieva a été defendue par des avocats commis d’office. Selon les informations que notre organisation a reçues jusqu’à présent, l’enquête criminelle menée dans le cadre de l’affaire de Nazgoul Akhmatilieva a été marquée par de nombreux vices de procédures, et a porté un grave préjudice à la santé de l’accusée et à celle de son enfant. 

L’Association des Droits de l’homme en Asie centrale - AHRCA appelle le gouvernement de la République du Khirghizstan à remplir les obligations définies par les accords internationaux sur les droits de l’homme qu’elle a ratifiés. Nous demandons à ce que la législation nationale et les principes de droit et d’impartialité soient respectés dans le cadre de l’enquête criminelle menée dans le cadre de l’affaire de Nazgoul Akhmatilieva, citoyenne du Kirghizstan.
Nous adressons également notre communiqué:
- au Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture
- au Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
- au Représentant spécial de l’Union européenne pour l’Asie centrale
- au Directeur de la sous-commission aux droits de l’homme du Parlement européen
- au Ministre des Affaires étrangères de la République du Kirghizstan
- au Procureur général de la République du Kirghizstan

1.5.15

Kirghizstan: avis de recherche lancés contre cinq suspects, accusés à tort des violences de juin 2010

Suite de l’affaire criminelle n°141-10-240

Le 28 avril 2015, le tribunal pénal de la ville de Och (Sud du Kirghizstan, vallée de Ferghana) a suspendu la procédure judiciaire qui avait été ouverte cinq ans plus tôt à l’encontre de six habitants de la province. D’appartenance ethnique ouzbèke, ils sont accusés sans preuve d’avoir “organisé les violences de masse” de juin 2010. Des affrontements interethniques avaient alors fait plus de 597 morts, et des milliers de blessés, tandis que des quartiers ouzbeks entiers avaient été détruits.

Plusieurs organisations internationales dont Human Rights Watch ont dénoncé  des abus dans les enquêtes menées par le gouvernement.  L’un des accusés, Dilmourat Khaïdarov, a été arrêté lors d’une opération de “nettoyage”, le 27 juin 2010, peu après les violences, alors même qu’il s’était opposé aux violences dans son village (Nariman, district de Kassou, province de Och). 

Le procès a été interrompu suite à l’absence répétée de cinq des six accusés aux audiences. Alors que des avis de recherche ont été lancés contre ces derniers, le sixième suspect, Daniïer Kadirov, seul à s’être présenté à chaque audience, a été quant à lui été assigné à résidence.

  • Présentation des suspects, accusés d’“avoir organisé les violences de masse” en juin 2010:
Khaïdarov, Dilmourat Abdourassoulovitch: d’appartenance ethnique ouzbèke, il est né le 8 juin 1973 dans le village de Nariman (district de Karassou dans la province de Och) en République soviétique socialiste du Kirghizstan. Il est marié et a quatre enfants en bas âge. Juriste de profession. Il n’avait jusqu’à présent jamais été poursuivi en justice. Du 27 juin 2010 au 4 avril 2014, il a été placé en détention provisoire sur la base de l’accusation d’avoir “organisé des violences de masse”. Il a été ensuite libéré sur amnestie. Il bénéficie de la protection internationale accordée par la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés.

Kadirov, Daniïer Nematovitch: d’appartenance ethnique ouzbèke, il est né le 17 novembre 1970 dans le village de Kachgar (district de Karassou dans la province de Och) en République soviétique socialiste du Kirghizstan. Il est marié et a trois enfants. Sans profession. Il n’avait jusqu’à présent jamais été poursuivi en justice.

Kotchkorov, Choukourillo Saïdazizovitch: d’appartenance ethnique ouzbèke, il est né le 28 janvier 1979 dans le village de Madi (district de Karassou dans la province de Och) en République soviétique socialiste du Kirghizstan. Il est marié et a un enfant. Charpentier de profession.  Il n’avait jusqu’à présent jamais été poursuivi en justice. Il a attrapé une méningite tuberculeuse alors qu’il se trouvait en détention provisoire.

Sabirov, Bakhodir Jorabaïevitch: d’appartenance ethnique ouzbèke, il est né le 20 décembre 1973 dans le village de Nariman (district de Karassou dans la province  de Och) en République soviétique socialiste du Kirghizstan. Il est marié et a trois enfants. Soudeur de profession. Il n’avait jusqu’à présent jamais été poursuivi en justice.

Sadikjanov, Gani Ergachovitch: d’appartenance ethnique ouzbèke, il est né le 22 juin 1974 dans le village de Nariman (district de Karassou dans la province de Och) en République soviétique socialiste du Kirghizstan. Il est marié et a cinq enfants. Conducteur de tracteur de profession. Il n’avait jusqu’à présent jamais été poursuivi en justice.

Saïpov, Khaïroullo Akhmatovitch: d’appartenance ethnique ouzbèke, il est né le 26 juin 1976 dans le village de Nariman (district de Karassou dans la province de Och) en République soviétique socialiste du Kirghizstan. Il est marié et a deux enfants. Soudeur de profession. Il n’avait jusqu’à présent jamais été poursuivi en justice. Il souffre d’une cirrhose du foie.

                                                                         *   *   * 
Le 29 janvier 2015, à 19 heures, dans le village de Nariman, où est inscrit sur les registres de la mairie, le prisonnier politique kirghizstanais, Dilmourat Khaïdarov, débutent des perquisitions qui vont durer cinq heures. Près de 30 membres des forces d’intervention spéciale, masqués et armés d’automatiques, assurent la protection de leurs collègues policiers. Toutes les rues proches du lieu où se déroulent les perquisitions sont fermées, et le trafic routier paralysé pour quelques heures. Les habitants de la rue Moumine Polvane ne sont pas autorisés à rentrer chez eux, sans qu’aucune explication ne leur soit donnée. D’ailleurs, même les autorités locales ne délivrent aucune clarification.

Au cours de l’été 2014, Dilmourat Khaïdarov a quitté le Kirghizstan avec sa famille et a demandé à sa soeur de s’occuper de son domicile. Les services de sécurité de la ville ont interceptée  cette dernière à son travail et lui ont présenté un mandat pour perquisitionner le domicile de son frère. Ils ont déclaré qu’ils y cherchaient des armes, suite aux informations qu’ils avaient reçues concernant la participation de Dilmourat Khaïdarov au djihad en Syrie.

Peu avant 23 heures, les forces d’intervention spéciale ont commencé à se disperser, et se sont excusées auprès de la soeur de Dilmourat Khaïdarov pour le dérangement occasionné. L’ensemble du domicile avait été fouillé; ils avaient même utilisé des détecteurs de mines Aucune arme n’a cependant été trouvée. 
Selon les documents de l’affaire criminelle n°141-10-240 concernant les citoyens kirghizstanais Dilmourat Khaïdarov (né en 1973), Khaïroullo Saïpov (né en 1976), Daniïer Kadirov (né en 1970), Gani Sadikjanov (né en 1974), Choukourillo Kotchkorov (né en 1979) et Bakhodir Sabirov (né en 1976). 
Dilmourat Khaïdarov a été arrêté, le 27 juin 2010, lors d’une opération de “nettoyage” du village de Nariman menée par l’armée. Deux procès ont été intentés contre lui : l’un pour le meurtre de l’inspecteur des impôts de Nariman, Ajimamat Seïtov, et l’autre pour le meurtre de deux militaires. Il a été poursuivi sur la base des articles suivants du Code pénal de la République du Kirghizstan: article 233, paragraphe 1, 2, 3 (organisation et participation à des violences de masse, appels à l’insoumission aux organes du pouvoir) ; article 30-97, paragraphe 2, alinéas 4, 5, 9 , 15 (complicité de meurtre ) ; article 30-174, paragraphe 2, alinéa 2 (participation à la destruction de biens) ; article 28-340 (tentative de meurtre à l’encontre d’un membre des forces de l’ordre ou de l’armée).

Pendant l’enquête criminelle, le meurtre d’Ajimamat Seïtov n’a pas été établi, puisque son corps n’a pas été retrouvé. Cependant, Dilmourat Khaïdarov a tout de même été accusé de complicité de meurtre sur la base de l’article 30-97 qui prévoit une peine d’incarcération pouvant aller jusqu’à la perpétuité. Le procès a duré quatre ans.

Le 4 avril 2014, Dilmourat Khaïdarov a été remis en liberté dans le cadre d’une amnistie, comme le prouve son certificat de libération. Suite aux recours déposés par les victimes et le procureur, l’affaire a été réouverte, et un avis de recherche a été lancé contre Dilmourat Khaïdarov. 

  • Chronologie: 
     – Le 7 octobre 2010, le tribunal du district de Karassou (présidé par le juge P. A. Baïbassounov) en charge de l’instruction de l’affaire du meurtre d’A. Seïtov a demandé sur décision judiciaire un complément d’enquête;

  – Le 2 novembre 2010, le tribunal de la province de Och maintient en vigueur la décision de justice rendue par le tribunal du district de Karassou;

     – après avoir étudié la demande des victimes d’annuler les décisions rendues par le tribunal du district de Karassou en première instance et par le tribunal de la province de Och en deuxième instance, la Cour suprême a décidé de les maintenir en vigueur;

  – Le 11 février 2011, le tribunal du district de Karassou (présidé par le juge M. Djalalov) prend la décision de demander un complément d’enquête;
  
     – Le 28 septembre 2011,  le tribunal du district de Karassou (présidé par le juge M. Djalalov) refuse d’instruire le procès suite à l’agression de Dilmourat Khaïdarov pendant l’audience par la partie adverse;

     – Lors de l’audience du 4 novembre 2011 au tribunal du district de Karassou (présidé par le juge Z. Apychev),  demande la récusation du juge;

     – Le 20 janvier 2011, dans le cadre de l’affaire du meurtre des deux militaires, le tribunal du district de Karassou (présidé par le juge N. Matraïmov) condamne Dilmourat Khaïdarov à huit ans de prison;

  – Le 2 mars 2011, le tribunal de la province de Och annulé en deuxième instance le verdict du 20 janvier 2011;

     – Le 26 mai 2011, la Cour suprême confirme la décsion rendue par le tribunal de la province de Och et demande à ce que l’affaire soit à nouveau instruite;

     – Le 22 juin 2011, le tribunal du district de Karassou (présidé par le juge M. Djalalov) demande par décison de justice un complément d’enquête;

     – En novembre 2011, les deux affaires dans lesquelles est accusé Dilmourat Khaïdarov sont réunies; 

     – Le 22 février 2012, le tribunal du district de Karassou (présidé par le juge S. Zakirov) demande par décison de justice un complément d’enquête ; les requérants saisissent alors le tribunal des affaires criminelles de la province de Och pour demander la poursuite de l’instruction du procès;

     – Le 12 avril 2012, le tribunal des affaires criminelles de la province de Och annule la décision de justice rendue par le juge S. Zakirov le 22 février 2012, et renvoie à nouveau l’affaire au tribunal du district de Karassou. A partir de cette date, l’affaire est instruite sous la présidence d’un autre juge.

     – Au cours des dix jours suivants, les avocats de la défense saisissent la Cour suprême pour contester cette décision, en insistant sur la nécessité de maintenir en vigueur la décision de justice  du tribunal du district de Karassou rendue par le juge S. Zakirov;

     – Le 2 août 2012, la Cour suprême confirme la décision de justice rendue par le tribunal de la province de Och le 12 avril 2012;

     – Le 25 janvier 2013, le tribunal de la ville de Och présidé par le juge B. A. Osmanov commence à instruire l’affaire criminelle n° 141-10-240. Après quelques audiences, la partie civile  a demandé la récusation du juge, et l’affaire fut transmise au juge R. B. Kojomkoulov, qui en mena l’instruction pendant près d’un an.

     – Le 22 janvier 2014, le juge  R. B. Kojomkoulov du tribunal des affaires criminelles de la ville de Och condamne Dilmourat Khaïdarov à sept ans de prison sur la base de l’article 233, paragraphe 2 (participation à des violences de masse).

     – Le 26 mars 2014, est prononcé le verdict de la cour des affaires criminelles de la province de Och, présidée par par les juges A. E. Koubatov, A. J. Abdildaev et M. M. Toktamouche. Dilmourat Khaïdarov est condamné sur la base de l’article 233, paragraphe 1 (organisation de violences de masse) à une peine de dix ans d’emprisonnement. Il a été plus tôt accusé selon le paragraphe 2 de cet article (participation à des violences de masse) prévoyant jusqu’à huit ans de prison. Les autres accusés ont été reconnus coupables sur la base de l’article 233, paragraphe 2 :  Ch. S. Kotchkorov, B. J. Sabirov, D. N. Kadirov ont été condamnés à six ans de prison, tandis que Kh. A. Saïpov et G. E. Sadikjanov se sont vus infligés une peine de huit ans de prison. Ils ont été reconnus non coupables de “meurtre” (article 97), de “tentative d’assassinat de membres des forces de l’armée ou de militaires” (article 340), de “vol d’automobile ou de tout autre moyen de transport motorisé” (article 172), et de “destruction ou de détérioration intentionnelles de biens appartenant à autrui “(article 174). L’accusation n’avait présenté au tribunal aucune preuve. La preuve de leur culpabilité a été la mention de leur rôle de “leader”. Dans le cadre des amnisties de 2011 et de 2014, ils ont été remis en liberté.

     – Le 4 avril 2014, à la prison où ils étaient maintenus en détention provisoire, ils ont reçu un certificat de libération, confirmant qu’ils avaient purgé la peine à laquelle ils avaient été condamnés par le verdict rendu le 26 mars 2014. 

     – Peu de temps après, la partie civile contesta le verdict rendu par la cour des affaires criminelles de la province de Och et saisit la Cour suprême. 

     – Le 24 juin 2014, la Cour suprême instruisit l’affaire et la renvoya au tribunal des affaires criminelles du district de Karassou. Cependant, c’est la cour de la ville de Och qui fut chargée de la nouvelle instruction de l’affaire dans la mesure où la partie civile avait requis la récusation des juges du tribunal du district de Karassou;

     – Le 25 juin 2014, la cour de la ville de Och révisa le jugement rendu le 26 mars 2014 et ouvrit une nouvelle instruction de l’affaire;

     – Le 26 mars 2015, le procureur et cinq des accusés ne se présentèrent pas à l’audience du tribunal de la ville de Och. Seul Daniïer Kadirov fut présent. 

     – Le 7 avril 2015, à l’audience suivante, le même scénario se produisit. 

     – Les 19 et 23 avril 2015, en l’absence des accusés et du procureur, les audiences furent reportées.

     – Le 28 avril 2015, le tribunal de la ville de Och décida de suspendre la procédure judiciaire en l’absence de cinq personnes sur les six accusés. Ne s’étaient pas présentés Dilmourat Khaïdarov, Bakhodir Sabirov, Gani Sadikjanov, Khaïroullo Saïpov, Choukourillo Tchotchkorov. Le sixième accusé, Daniïer Kadirov, était le seul à être présent aux audiences. Lors de l’audience, où la suspension de la procédure judiciaire fut décidée, ce dernier fut assigné à résidence. 


Pour plus d’information, lire les précédents communiqués de l’Association des Droits de l’homme en Asie centrale à ce sujet :
          – “Le citoyen kirghizstanais Dilmourat Khaïdarov n’est pas parti en Syrie”, 8 février 2015;
          – “Kirghizstan : le prisonnier Khaïroullo Saïpov doit être hospitalisé de toute urgence”, 11 février 2013;
          – “ Kirghizstan: l’affaire de Dilmourat Khaïdarov sera révisée”, 28 janvier 2013;
          – “Dilmourat Khaïdarov : “au cours des violences, je pensais même que je serais remercié, alors qu’il m’arrive tout à fait le contraire”, 14 juin 2012;
          – “Dilmourat Khaïdarov : “ J’aime le Kirghizstan, je crois en son évolution, mais personne ne m’écoute!”, 28 février 2012


Kirghizstan : une femme de 76 ans laissée sans domicile, suite à l’incendie de sa maison

La maison de Lioudmilla Kassimbaïeva, 
1er mai 2015
Le 27 avril 2015, trois maisons dans le village de Tcheremouchki (région de Och) ont brûlé.
L’incendie a été causé par un réseau de fils électriques défaillant dans l’une des trois maisons. C’est la deuxième fois que Lioudmila Kassimbaïeva perd son domicile et tous ses biens dans un incendie. Elle est âgée de 76 ans et vit seule. 
Quand les évènements tragiques de juin 2010 ont débuté, Lioudmila Kassimbaïeva vivait dans la ville de Och, rue Tchkalova. Sa maison avait été alors prise pour cible lors des violences et des affrontements interethniques.
Lioudmilla Kassimbaïeva se trouve à présent complètement démunie et sans défense. Elle ne bénéficie d’aucune assurance, et n’a aucun moyens de subsistance. Les autorités locales n’ont pour l’instant pas réagi à ses appels. 
La maison de 
Lioudmilla Kassimbaïeva, 
1er mai 2015
Lioudmilla Kassimbaïeva demande à tous ceux qui en ont la possibilité de l’aider à reconstruire sa maison. En premier lieu, il faudrait construire le toit, poser les fenêtres et la porte, installer le système de distribution d’eau et d’électricité. Ses voisins et des défenseurs des droits de l’homme se sont engagés à s’occuper des abattis. 
L’Association des Droits de l’homme en Asie centrale demande au maire de la ville de Och, Kadyrbaïev Aïtmamat Tentibaïevitch, d’octroyer de l’aide à Lioudmilla Kassimbaïeva, sans famille, et à ses voisins qui ont également soufferts de l’incendie.