16.10.12

Lettre ouverte à Laurent Fabius sur la situation des droits de l'Homme en Ouzbékistan

Monsieur Laurent Fabius
Ministre des Affaires étrangères

Paris, 15 octobre 2012

Monsieur Laurent Fabius
Ministre des Affaires étrangères France
Objet: Lettre ouverte à Laurent Fabius sur la situation des droits de l'Homme en Ouzbékistan

Monsieur le Ministre,

A l’occasion de votre rencontre ce mardi 16 octobre avec M. Abdulaziz Kamilov, ministre des affaires étrangères ouzbek, nous vous appelons à exiger le respect des droits de l’homme en Ouzbékistan, ainsi que la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques.

Aujourd'hui sont notamment détenus en prison les défenseurs des droits de l'Homme, journalistes, opposants politiques et représentants religieux suivants: Solijon Abdurakhmanov, Mukhammed Begjan, Ruhiddin Fahruddinov, Azam Formonov, Isroiljon Holdarov, Abdurasul Hudoynazarov, Nasim Isaqov, Gaybullo Jalilov, Murod Juraev, Mamadali Mahmudov, Ganihon Mamathonov, Zafarjon Rahimov, Yuldosh Rasulov, Dilmurod Saidov, Agzam Turgunov.

Nos organisations souhaitent rappeler que, malgré les déclarations répétées du gouvernement ouzbek, aucune amélioration en matière de droits de l’homme n’a été constatée dans le pays ces dernières années.

La situation des droits fondamentaux est désastreuse. La torture demeure endémique. La liberté d’expression est très sévèrement limitée. L’impunité perdure à la suite du massacre d’Andijan, où des centaines de manifestants pacifiques ont été tués lors d’une répression violente menée par le régime en 2005.

Sous couvert de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme religieux, la répression continue de s'exercer de façon implacable à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme, des avocats indépendants, des journalistes, des opposants politiques et des membres de groupes musulmans indépendants. Ils sont arrêtés, torturés et condamnés à de lourdes peines de prison à l’issue de procès iniques pour avoir défendu des droits fondamentaux, pour avoir critiqué la politique gouvernementale ou pour avoir pacifiquement exercé leur religion. Dans le silence de la communauté internationale, le régime supprime toute voix dissidente. 


*   *   *

Les intérêts de la France et de ses partenaires européens en Ouzbékistan relèvent de considérations économiques liées à l'énergie et aux ressources naturelles, ainsi que de considérations stratégiques en lien avec la situation afghane. Il est cependant indispensable que la France fasse entendre sa voix et condamne les violations des droits de l'Homme commises dans le pays en appellant l'Ouzbékistan à se conformer à ses obligations internationales.


Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture (ACAT)


Fédération Internationale des ligues des Droits de l'Homme (FIDH)

Association internationale de défense des droits de l'Homme “Club des Coeurs ardents”


Association Droits de l'Homme en Asie Centrale (AHRCA)










31.8.12

Ouzbékistan : lettre de la colonie pénitentiaire 'Jaslyk': nouvelles tortures

Cette lettre - qui ressemble plutôt à un petit billet - a été transmise par des détenus de la colonie  UYa 64/71. Ils y décrivent une nouvelle forme de punition, l'arbitraire sans limite de l'administration pénitentiaire et les tentatives de prisonniers pour résister à une cruauté visant à brises toute volonté.
(Traductions en russe, anglais et français de l'orignal en langue ouzbek assurées par l'Association Droits de l'Homme en Asie Centrale)

Ceci est arrivé en décembre 2011 à la colonie pénitentiaire 'Jaslyk'

Extrait d'une lettre de détenus du pénitencier OuYa 64/71, 
situé au bourg de Jaslyk - République du Karakalpak extraits
«Dans cette colonie on a introduit une heure quotidienne de lecture des livres du Président [il s'agit du chef de l''Etat ouzbek, Islam Karimov -  NdR.]

A la 7ème brigade, comme chaque jour il y avait lecture du livre. Un certain Ortykali  de la ville de Kokand  [la lettre n'indique pas son nom de famille - NdR]  était occupé à bien autre chose et n'écoutait pas la lecture. Pour n'avoir pas écouté le livre du Président, il a été traîné hors de sa cellule.

Le Responsable à l'éducation, au pénitencier, se nomme Berdibayev  Ikrom Kadyrbayevitch. [Il s'agit de son vrai nom, NdR.] Il a participé personnellement aux tortures infligées à  Ortykali. C'est lui [Berdybayev] qui avait prescrit de frapper  sur la plante des pieds. Après quelque 30-40 coups, on  a demandé à Ortykali s'il allait maintenant écouter la lecture des livres du Président  et celui-ci  a laissé entendre qu'il demeurait dans ses premières dispositions. Alors  Berdibayev Ikrom Kadyrbayevitch a ordonné d'ajouter vingt coups, toujours  sur la plante des pieds. Au total Ortykali a reçu  quelque 80 coups. Ses pieds ont enflé. Il était incapable de marcher. 

Il est alors jeté  pour 10 jours  - sans décision formelle - dans une cellule du nouveau bâtiment, destiné aux condamnés à perpétuité. Quatre autres détenus de la brigade n°7 seront eux aussi emmenés dans ce bâtiment, pour avoir demandé qu'Ortykali  en soit ramené. Ils avaient, d'autre part, annoncé qu'ils entamaient une grève de la faim. Pendant 4 jours ils poursuivirent leur grève. Après cette action de protestation, la version officielle fut que le placement d'Ortykali  avait été régulier. Puis, celui-ci fut conduit à l'infirmerie où ses pieds ont été pansés. Dix jours plus tard,  il en est ressorti pour retourner dans sa brigade habituelle, dans la partie centrale de la colonie. 

Ce genre d'incident n'a rien d'exceptionnel; de fait il s'en produit presque chaque jour. Les individus condamnés selon l'article 159 du Code pénal ouzbek et d'autres  détenus de ce pénitencier sont fréquemment placés dans ce bâtiment. Le personnel considère qu'il a le droit d'y placer aussi les prisonniers qui violent le Règlement intérieur du pénitencier. Et que ceci est conforme aux textes officiels».

* * *
Pour désigner le  pénitencier  64/71, la population dit simplement  'Jaslyk'  car il est situé dans le bourg de ce nom, en République à autonome du Karakalpak, en Ouzbékistan. Il est devenu le symbole de l'arbitraire du pouvoir ouzbek. En principe, y sont détenus les condamnés  pour crimes particulièrement graves, tels que : appartenance à une organisation illégale; critique du régime ou, encore,  terrorisme. Il est extrêmement rare que ces condamnés bénéficient d'une amnistie. Le plus souvent, ceux qui s'y trouvent font l'objet, sur place, de nouvelles condamnations,  de sorte qu'ils ne sont jamais relâchés. Quant à ceux qui recouvrent la liberté, ils  s'efforcent d'oublier ce qu'ils y ont enduré. 

Ici, la torture est pratique quotidienne. Notre Association a reçu le schéma de la salle où se pratiquent torture et actes  de violence  sexuelle.  Dans son commentaire, l'auteur de ce schéma  explique que les traces de torture sont telles que les victimes redoutent de les montrer aux autres prisonniers. Au reste, ces détenus-là sont rapidement  transférés, par étapes,  dans d'autres pénitenciers. En 2002 - à la veille de la visite du Rapporteur spécial des Nations-Unies contre la torture, Théo van Boven - l'entrée de cette salle des tortures a été bétonnée. Ainsi, le sort des  victimes demeure  pratiquement inconnu. 

A Jaslyk, les conditions climatiques sont particulièrement rudes. En été la température atteint °50 degrés  pour tomber en dessous de  -°20 en hiver. Des vents soufflent continuellement. Le manque d'eau se conjugue avec sa mauvaise qualité, du fait d'une  forte salinité.. Ceux des détenus qui quittent la colonie sont devenus des  malades chroniques, souvent affligés  d'infirmités. C'est dans cette colonie qu'a séjourné Aziam Farmonov, défenseur bien connu des droits des  paysans et membre de la Ligue des droits de l'homme d'Ouzbékistan. 

Toute information en provenance de détenus de Jaslyk frappe par la cruauté des actes qu'elle révèle. Les témoignages où figure le nom des  individus participant à ces tortures sont particulièrement précieux. L'on  y constate, notamment, que ceux-ci agissent  pleinement convaincus de leur impunité.  

L'Association Droits  de l'homme en Asie Centrale constate qu'en Ouzbékistan  il est devenu  pratiquement impossible aux défenseurs des droits de l'homme de mener des enquêtes sur les cas de torture. En effet, ils font alors l'objet de poursuites, sous l'accusation de critique du pouvoir en place et leur droit de se déplacer est réduit à presque rien. 

Au cours des cinq dernières années, plus de 200 personnes - défenseurs des droits de l'homme ou  journalistes - ont été poursuivies, dont 16 ont été  emprisonnées. Le Bureau de l'organisation Human Rights Watch à Tachkent a été fermé en 2007, après 15 ans de présence  dans le pays. Les collaborateurs de cette ONG se sont vu refuser visas et accréditations et  leur droit de circuler a été singulièrement réduit. De plus en plus souvent, les victimes de violations des droits de l'homme taisent leur identité et s'adressent aux organisations et à l'opinion internationales par l'intermédiaire d'émigrants politiques. 
L'Association Droits  de l'homme en Asie Centrale  fait appel aux bonnes volontés   désireuses de coopérer à la  traduction et/ou  à la mise en forme de textes de  l'Association. Pour toute question, s'adresser à: asiecentrale@neuf.fr

6.3.12

Le régime de Karimov accusé d'activités terroristes: agression contre l'émigré politique Obidkhon Nazarov

Le 22 février 2012, Obidkhon Nazarov, imam et théologien ouzbek  bien connu, vivant actuellement à  Stromsund, ville au Nord de la Suède, a fait l'objet d'une agression. Avant de s'enfuir, l'auteur de ce crime avait tiré à plusieurs reprises sur Obidkhon,  le blessant grièvement. A proximité du lieu de l'agression, on a retrouvé un silencieux ainsi qu'un sac à dos avec une arme, ce qui indique qu'il s'agit  d'un professionnel  rémunéré. Les médecins jugent critique l'état de santé  de Nazarov. L'enquête ne fait que commencer mais nous avons des raisons de soupçonner  les services spéciaux ouzbeks d'avoir commandité cette agression.
Bref aperçu du parcours d'Obidkhon Nazarov
Obid kori Nazarov

Obidkhon Nazarov  est né en 1959  (Nom en religion: Obid kori Nazarov).  De 1990 à 1996 il a été imam de la mosquée 'Toukhtaboï' à Tachkent. Après ses déclarations critiques sur la disparition, en 1995, d'Abdouvali kori Mirzaev  - homme de religion qui jouissait d'une grande autorité, - Nazarov fut écarté de ses activités religieuses, sur décision des autorités ouzbeks.  Peu après, il fait l'objet  de poursuites criminelles et en  1998 il est 'recherché' par la police. Il passe  les deux années suivantes caché quelque part en Ouzbékistan.  En 2000, il quitte le pays pour le Kazakhstan où il est placé  alors sous la  protection du HCR des Nations-Unies. Par la suite, la Suède lui reconnaît le statut de réfugié politique.

En Ouzbékistan, les autorités accusent Obidkhon Nazarov d'extrémisme religieux et de participation à des activités terroristes. De fait, quelque cinq mille musulmans d'Ouzbékistan purgent de longues peines de prison pour des accusations similaires et sans avoir eu droit à un procès  équitable ni celui de choisir un avocat. Pour la plupart, ils purgent leur peine dans la colonie pénitentiaire à régime sévère de Jaslyk que les observateurs comparent aux prisons de l'époque stalinienne. Le régime de Karimov  fait tout pour priver désormais ces détenus du droit de se défendre réellement.

En Ouzbékistan, les procès violent de manière criante toutes les normes établies de procédure pénale et les juges ignorent souverainement les allégations des accusés sur les tortures subies pendant l'instruction. Alors que le pouvoir l'accuse d'extrémisme, Nazarov est, en fait,  intervenu plus d'une fois publiquement pour défendre les diverses confessions présentes en Ouzbékistan ainsi que la liberté de parole et les autres libertés politiques. Obidkhon kori est un opposant politique déterminé au régime de Karimov mais il ne prône que des méthodes pacifiques de lutte et récuse l'idée même d'un Etat islamique en Ouzbékistan.

Selon la présidente de  l'association  Droits de l'homme en Asie centrale, Nadejda Atayeva,  "il y a  tout lieu de penser que les fils de ce crime mènent à Tachkent. Ce crime émane du régime de Karimov et doit être qualifié de tentative d'assassinat politique. Tout acte de ce type commis par les services spéciaux ouzbeks peut  et doit être qualifié d'acte de terrorisme international et vise  à éliminer  tout dissident dans le pays."

Ce sont les circonstances dans  lesquelles cette agression   a été commise  et  l'historique du combat du régime  Karimov  contre ses opposants qui pointent en direction des services spéciaux ouzbeks. En effet, la  tentative d'assassinat sur la personne de Nazarov fut précédée d'un déchaînement de  calomnies contre lui. En 2010,  la télévision officielle ouzbek a présenté un documentaire intitulé 'Khounrezlik'  ('Sang versé'). On y présente  l'imam Obid kori  comme un extrémiste religieux actif et un terroriste. A diverses reprises, des menaces non-équivoques de règlement de comptes physique ont paru sur le site internet  'Press-uz Info' -  site créé par le Service de la sécurité nationale (SNB) ouzbek, aux fins de propagande anti-opposants.

L'assassinat politique du journaliste bien connu Alicher Saïpov  - citoyen kirghiz  d'origine nationale ouzbek - fut précédé du même type de harcèlement dans les médias contrôlés par le pouvoir ouzbek. Saïpov dirigeait alors, à Och, le journal 'Siësat' ('Politique') qui contenait des informations critiques à l'endroit du régime ouzbèk. C'est pour l'en punir qu'Alicher fut tué par balles devant son bureau. L'enquête  échoua, victime du manque de zèle professionnel  des forces de l'ordre du Kirghizistan. Mais rares sont ceux qui ne pensent pas que le Service de la sécurité nationale ouzbek est à l'origine de cet assassinat.

C'est à l'instigation des services spéciaux ouzbeks qu'un assassinat analogue  a été perpétré en novembre 2011, en Russie cette fois.  Fouad Roustamkhodjaev citoyen russe et homme d'affaire - membre de l'opposition ouzbek "Mouvement national d'Ouzbékistan"  - fut  tué d'un coup de pistolet. L'enquête  menée par les instances russes - tout comme l'avait été celle de leurs collègues du Kirghizistan - fut superficielle. Mais voulait-on approfondir ? La question est purement rhétorique, quand on sait l'étroite coopération que pratiquent entre eux et depuis fort longtemps,  les services spéciaux ouzbeks et russes.

Au compte de la Sécurité nationale de l'Ouzbékistan,  figurent encore d'autres crimes, en particulier  la tentative d'assassinat  du leader du parti d'opposition ‘ERK’, Moukhammad Solikh,  en 2001: c'est grâce à la bonne   coopération des service spéciaux de Norvège et de Suisse que  la chose échoua.

L'assassinat sur le territoire d'autres Etats n'est pas la seule arme des services spéciaux ouzbeks, dans leur guerre contre les dissidents politiques. Ils recourent aussi largement à l'enlèvement d'indésirables  ainsi qu'à leur expulsion de l'étranger vers l'Ouzbékistan,  où les attendent arrestations, tortures, procès non-équitables.
La majorité des enlèvements de citoyens ouzbeks à l'étranger se produisent en Russie. Nous connaissons au moins vingt cas de ce genre. C'est ainsi que, le 21 décembre 2011, Roustam Zokhidov, originaire de Samarkand, est enlevé. Le 15 septembre 2010, trois hommes originaires d'Andijan - S. Satvaldiev, M. Youssoupov et A. Bekpoulatov -  avaient été enlevés. Placés de force dans un vol pour Tachkent sous des noms figurant sur de faux papiers délivrés par l'ambassade ouzbek en Russie, ils avaient été convoyés jusqu'à Andijan, dès leur arrivée en Ouzbékistan, et accusés alors d'avoir participé à des organisations religieuses interdites et d'avoir partie liée avec Moukhammad  Salikhov. Les poursuites furent menées en secret,  de manière expéditive et en totale violation des normes  de procédure  mondialement admises. Journalistes indépendants et défenseurs des droits furent interdits d'audience.

C'est sans obstacle et en toute illégalité que le Service de la sécurité nationale d'Ouzbékistan (SNB)  a enlevé des citoyens ouzbeks  qui avaient  fui ou émigré  au Kirghizistan voisin. Voici quelques exemples: Isroïl Kholdarov - membre de la 'Société des droits de l'homme d'Ouzbékistan' - 'Ezgoulik' -  est enlevé en mai 2006 dans la ville d'Och, su Sud du Kirghizistan. Au bout de quelque temps il se retrouve en Ouzbékistan et en février 2007, le tribunal de district d'Andijan le condamne à six années de privation de liberté, selon les articles suivants du Code pénal ouzbek : 159 - atteinte à l'ordre constitutionnel; 216 - création d'une association illégale;  223 - sortie illégale du pays et  244-1 - diffusion de matériaux constituant une menace pour la sécurité nationale.

Validjon Babadjanov est enlevé le 16 août 2006 sur le territoire du Kirghizistan. Le 21 août déjà, on apprend qu'il est détenu dans les sous-sols du SNB. De même Saïdullo Chakirov, Bajkhtiër Akhmedov et Ilkhom Abdounabiev sont enlevés, en août 2006, sur le territoire du Kirghiszistan.

Par ailleurs,  le pouvoir ouzbek s'emploie à faire pression sur ses ressortissants émigrés  en les menaçant  personnellement par téléphone ou en exerçant des pressions psychologiques sur leurs proches restés au pays.  C'est  ce type de harcèlement (appels téléphoniques répétés, menaces sur des membres de leur famille  ou par leur intermédiaire) qu'ont subi Akmal Khaïdarov (au Canada), Moukhamad Salikh (réfugié statutaire en Norvège) Jodgor Obidov (Autriche), Mirakhmat Mouminov et Chovroukh Khalikov (Etats-Unis) Alicher Abidov et Moukhabbat Pozilova (Norvège),  Bakhtiër Moukhtarov (Finlande).

Mais c'est en Suède que se trouvent le plus grand nombre d'émigrés subissant ce type de harcèlement ininterrompu. Outre Obidkhon Nazarov il y a ses frères, Abdoumalik et Abdoufatakh, ainsi  que son fils Moukhitdin; et aussi Khassan Temirov, Moukhammadsalikh Aboutov, les journalistes Koudrat Babadjanov et Toulkine Karaev; de même que divers membres de l'opposition : Alim Karabaev, Marouf Abdougaffarov, Avazbek Faiëzov, d'autres encore.

Il importe de souligner qu'Obidkhon Nazarov avait déjà fait savoir à la police suédoise qu'il était suivi par des individus suspects. Malheureusement, l'information n'a pas été prise au sérieux. Pendant longtemps la police suédoise a ignoré aussi les déclarations d'autres réfugiés politiques ouzbeks  qui lui faisaient part des pressions exercées sur eux par les services spéciaux de leur pays, soit  par téléphone soit sous forme de chantage sur des membres de leur famille demeurant en Ouzbékistan. Cette prise en compte tardive des menées des services spéciaux ouzbeks par la police suédoise est l'une des causes de la tentative  de meurtre rapportée plus haut: percevant  leur impunité, ces services  décident de recourir à l'assassinat, au mépris de la souveraineté  de la Suède.

D'autre part, on a des raisons de penser qu'enlèvements et meurtres sur commande ont été  soigneusement préparés par les services spéciaux ouzbeks. A cet effet, ceux-ci  ont créé une base logistique adéquate en Suède; peut-être aussi, dans d'autres pays européens. Son fonctionnement n'est possible qu'avec l'appui des missions diplomatiques ouzbeks dans les pays concernés. La coordination des opérations de ce type s'effectue grâce à l'implication active des secrétaires d'ambassade qui sont autant de créatures du SNB.  Les ambassades d'Ouzbékistan  jouent un rôle décisif dans  l'enlèvement de ressortissants ouzbeks à l'étranger, grâce à  l'immunité  du personnel et des transports diplomatiques.

Outre leur participation  à l'enlèvement d'opposants au régime de Karimov, les représentations diplomatiques  d'Ouzbékistan constituent un maillon  essentiel dans le système de filature des émigrants politiques ouzbeks à l'étranger.  Par voie de chantage et de menaces, ambassades et service spéciaux  s'efforcent de recruter des informateurs  parmi leurs ressortissants se trouvant temporairement à l'étranger: étudiants, gens de culture, tout comme  parmi les migrants eux-mêmes. L'Association  Droits de l'homme en Asie centrale connaît diverses tentatives pour recruter collaborateurs et informateurs.

Les services spéciaux s'appuient aussi sur toute sorte d'entreprises commerciales créées par le pouvoir  ou par des hommes d'affaires ouzbeks à l'étranger. Au premier chef, il s'agit des postes d'escale de la compagnie d'aviation 'Ouzbek Airlines'  dont les agents participent  activement  à l'enlèvement  de citoyens ouzbeks émigrés  et à leur rapatriement forcé. On  doit mentionner aussi toute une pléiade de firmes au personnel ouzbek, implantées dans divers pays européens et à vocation de  'consultants', etc. Elles devraient faire l'objet d'une attention toute particulière   de la part des services spéciaux de ces Etats. Non seulement pour protéger les Ouzbeks qui s'y réfugient mais aussi pour veiller au respect de  la souveraineté de ces Etats. Jusqu'à maintenant, la  Suède et d'autres pays membre de l'Union européenne. ont manifestement  négligé de prendre les mesures de vigilance  qui s'imposent. Du coup, ils servent de plate-forme à des actes de terrorisme international que l'on doit imputer au régime de Karimov.

L'Occident doit enfin réagir de manière adéquate. Faute de quoi, la série des assassinats politiques et des enlèvements continuera. Nous proposons aux Gouvernements des Etats-Unis, de Suède et  l'Union européenne. D’examiner  l'opportunité des mesures suivantes :
          1. Que la Suède et les autres membres de l'UE mènent une enquête non seulement sur la tentative d'assassinat contre Obidkhon Nazarov mais sur les pressions exercées sur les réfugiés politiques ouzbeks par les  services spéciaux ouzbeks.
          2. Que les Gouvernements des Etats-Unis d'Amérique, du Canada et d'Europe:
               - enquêtent sur les activités des missions diplomatiques et des entreprises ouzbeks enregistrées dans leurs pays respectifs et organisent le suivi attentif de leur activité;
               - exercent une surveillance plus stricte des activités de la société d'aviation civile 'Uzbek Airlines', en particulier quant à l'accès des autorités diplomatiques ouzbeks aux  procédures d'embarquement.
         3. Que l'Union européenne ré-examine la question des sanctions, en fonction d'un élément nouveau : la participation de l'Ouzbékistan au terrorisme international.
          4.  Que les  Etats-Unis d'Amérique  reviennent  sur leur décision d'apporter une aide militaire à l'Ouzbékistan, car elle peut servir à des fins de terrorisme par son  Gouvernement.
          5. Que l'Allemagne interdise à celles de ses entreprises qui l'envisagent, de livrer à l'Ouzbékistan des appareils électroniques destinés à la filature d'individus. Il ne fait pas de doute que ces dispositifs seront utilisés contre l'opposition politique et les dissidents, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays.

Nous espérons que l'Union européenne, les Etats-Unis d'Amérique et le Canada examineront nos constats et nos propositions avec  tout le sérieux qui convient.

 

25.1.12

Ouzbékistan: le prisonnier politique Mohammed Bekjanov à nouveau jugé.


Le 18 janvier 2012, dans le pénitencier УЯ 64/51  de  la ville de Kassana, Province de Kachkadarine, le cas du prisonnier politique Mohammed Bekjanov a de nouveau été soumis à un tribunal. Le procureur a requis une peine de prison de 4 ans et 8 mois encore. La cour s'est retirée pour délibérer.
Le prisonnier politique Mohammed Bekjanov, qui a déjà passé 12 années en prison, devait être libéré en février 2012. Mais en décembre 2011, il a été mensongèrement accusé de violation de l'article 221 du Code pénal d'Ouzbékistan : Refus d'obtempérer aux ordres justifiés donnés dans l'établissement où il purge sa peine.

Photographie : Mouhammed  Bekjanov
lors d'un séjour à l'hôpital de la prison de Tachkent,
en 2003.
Mohammed Bekjanov, né en 1954, a été condamné à 15 ans de réclusion selon les articles suivants du Code pénal d'Ouzbékistan: 158, pt.3 - «Atteintes à l'autorité du Président de la République d'Ouzbékistan »; 159 pt.3 «Atteintes à l'ordre constitutionnel de la République d'Ouzbékistan»; 216 - Création d'associations ou d'organisations religieuse illégales; 223, §2 – «Entrée ou sortie illégale du territoire de la République d'Ouzbékistan»; 227 §2: «Appropriation, destruction,dégradation ou recel de documents officiels, tampons, cachets, papier à en-tête»; 228 §§ 2&3: Fabri-cation ou imitation de documents officiels, tampons, cachets, papier à entête, leur remise à un tiers ou leur utilisation»; 242 §1: «Organisation d'association de malfaiteurs». En 2003, par amnistie, la durée de sa peine avait été réduite de 3 ans et 8 mois.

Devant le tribunal, trois codétenus  de Bekjanov ont témoigné à charge. Tout au long de leurs dépositions, ils se sont efforcés de ne pas le regarder ce qui permet de supposer qu'ils ont dû déposer contre leur gré. A la demande de ses proches, Bekjanov a été défendu  par l'avocate Mounojat Parpiyeva.

En 1999, pendant l'enquête, M.Bekjanov a été torturé à la prison de Tachkent où il était enfermé. On lui a cassé une jambe. Depuis,il boite. Lors de sa troisième année de détention il a contracté la tuberculose. De là deux séjours à l'hôpital de la prison de Tachkent.

Mouhammed Bekjanov est le frère de Mouhammad Salikh –  un leader du parti d'opposition 'ERK'. En novembre 2000, Mouhammad Salikh a été condamné par contumace par la Cour suprême d'Ouzbékistan à 15 ans et demie de privation de liberté. Des poursuites ont été lancées contre lui via Interpol.

En 1999, deux autres frères de Mouhammed ont été arrêtés: il s'agit de Rachid et de Kamil Bekjanov. Après les explosions de février 1999 à Tachkent, les autorités ouzbeks ont accusé Mouhammad Salikh  et le Mouvement islamique d'Ouzbékistan de les avoir commanditées.

En 2003, Kamil Bekjanov a été amnistié après quatre années de réclusion. En mars 2011 Rachid Bekjanov est sorti de prison.

Mouhammed Bekjanov et ses proches attendent la sentence du tribunal.

L'Association Droits de l'Homme en Asie Centrale appelle le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme, les gouvernements des Etats démocratiques et les organisations internationales de défense des droits humains à suivre de très près le cas du prisonnier politique Mouhammed Bekjanov et à demander aux autorités d'Ouzbékistan sa libération.