A Tachkent, Steve Swerdlow -
chercheur pour les pays de l’Asie centrale à l’organisation de défense des
droits Human Rights Watch - a été victime d’une provocation de la part d’un
groupe d’individus coordonnés par un certain Sardor Kamilov, responsable du site
internet SAYYOD.COM.
Selon les informations dont on dispose, le
13 juin 2019, un homme demande à l’employé de la réception de l’hôtel où
séjournait Steve Swerdlow d’appeler la chambre de celui-ci pour l’entretenir
d’un cas de violation des droits de l’homme. Swerdlow décide de répondre à
cette sollicitation. Dans le hall de l’hôtel, un groupe d’inconnus de lui,
l’accueille alors par des propos haineux et le harcèle. En quelques secondes,
il est encerclé par des personnes manifestement hostiles qui, sans son accord,
se mettent à filmer la scène en vidéo tout en commentant de manière agressive
les tentatives de Steve pour comprendre ce qui lui arrive. Le dénommé Sardor
Kamilov, voyant le désarroi de Swerdlow, lui propose alors, cynique, des
gouttes de valériane, tout en l’accusant de tenir des propos critiques sur
l’Ouzbékistan et de diffuser de la propagande hostile à ce pays.
Durant
cette scène, les employés de l’hôtel sont restés pratiquement passifs alors
même qu’ils voyaient S. Swerdlow entouré d’individus au comportement
imprévisible.
Déjà
deux vidéos de cette scène ont été diffusées sur la page sayyod.com de Facebook
et sur YouTube, qui ont eu un vaste écho.
Steve Swerdlow fut obligé de faire appel
au service de sécurité de l’hôtel puis de quitter celui-ci très rapidement.
Un membre du gouvernent ouzbek ayant eu
connaissance de cet incident, a déclaré que celui-ci ne resterait pas ignoré.
Pour sa part, le médiateur (ombudsman) d’Ouzbékistan a, lui aussi, été informé
de l’incident.
Divers indices donnent à cette agression
psychologique sur la personne de S. Swerdlow - représentant d’une organisation
de défense des droits faisant autorité - l’allure d’un acte commandité. Il
n’est pas exclu que l’opération en question ait été commanditée par un groupe
influent situé au sein du pouvoir ouzbek et souhaitant intimider un visiteur
étranger, lui faire craindre pour sa sécurité. Si tel n’est pas le cas, alors
le Service de la sécurité nationale doit reconnaître son incapacité à assurer
non seulement la sécurité des défenseurs ouzbeks des droits mais, désormais,
aussi celle de leurs homologues étrangers. Ce qui est arrivé à Steve Swerdlow
doit être pris en compte non seulement par tous les observateurs indépendants,
les diplomates dont, au premier chef, ceux des pays membres du Comité pour les
droits de l’homme des Nations-Unies, et les journalistes, en particulier ceux
qui demandent l’autorisation de se rendre en Ouzbékistan.
L’Ouzbékistan est membre de l’Organisation
des Nation-Unies et a ratifié nombre des conventions internationales portant
sur les droits de l’homme. Manifestement, Sardor Kamilov ne comprend toujours
pas que le rôle d’un défenseur des droits consiste précisément à donner un avis
impartial sur le respect des obligations auxquelles a souscrit l’Etat en
signant ces conventions. Et aussi que de ce respect dépendent le climat dans
lequel s’effectuent les investissements et la confiance dans les réformes
annoncées par le gouvernement d’Ouzbékistan. Steve Swerdlow avait obtenu
l’autorisation de se rendre en Ouzbékistan précisément en tant que membre de
HRW - une organisation qui jouit du statut d’ONG auprès du Conseil économique
et social (ECOSOC) des Nations Unies.
Quiconque est en désaccord avec tel ou tel
jugement porté par un défenseur des droits peut contester celui-ci de manière
civilisée, sans recourir à l’agression, sans humilier l’auteur de ce jugement
et dans le respect de la légalité. Or, depuis quelque temps, sous prétexte de
liberté de parole, certains individus qui se disent journalistes ou blogueurs,
portent des accusations en violation du
principe de présomption d’innocence, se
livrent à des menaces, au
chantage, pénètrent dans la sphère
privée d’autrui au mépris du droit à la protection des données personnelles, manipulent les
faits, font usage de faux et recourent à des méthodes illégales de recueil
des données, mus par on ne sait quelle
manie, quel fanatisme. Ce sont là des procédés contraires au droit et que de nombreux pays - dont l’Ouzbékistan
- répriment. Même si l’agression contre Steve Swerdlow a été perpétrée sans
l’aval des services spéciaux et sans avoir été commanditée par des
fonctionnaires allergiques à toute critique, l’inertie des forces de l’ordre et
de la justice n’exonère pas de sa responsabilité l’Etat sur le territoire
duquel de tels actes illégaux ont été commis.
Depuis deux ans (2017-2019) l’Association
Droits de l’Homme en Asie Centrale fait l’objet d’une agression haineuse de la part
d’un groupe d’individus qui se retrouve en procès - celui que cette association
lui a intenté. Il est impossible, en effet, de ne pas réagir à de tels
procédés. Et il est indispensable de conjuguer les efforts de tous pour
contraindre les auteurs de tels agissements à répondre des pressions
inqualifiables qu’ils exercent sur les auteurs de critiques.
Nous exprimons à Steve Swerdlow notre
entier soutien. Nous ne doutons pas qu’il aura
l’appui de très nombreux citoyens d’Ouzbékistan comme celui de ses
collègues.
La conduite de Sardor Kamilov et des
autres participants à ces pressions psychologiques est certainement l’exception
et non la règle.
Steve Swerdlow et le collectif de HRW
jouissent d’une grande confiance et dans les situations difficiles et
dangereuses, conservent toujours une attitude d’indépendance et de fidélité aux
principes qui sont les leurs. La mission de Human Rights Watch en Ouzbékistan
était la première en date dans ce pays après l’accession au pouvoir du président
Chavkat Mirziyoyev, avec l’espoir d’établir un dialogue constructif en matière
de droits de l’homme. Nous attendons de lire qu’elle est la position prise par HRW au sujet de l’épisode rapporté ici.
Nous voulons espérer que Tachkent saura
exprimer son positon au sujet de ce qui est arrivé au représentant de HRW lors
de son séjour en Ouzbékistan et expliquer à l’opinion :
- comment il se fait que le blogueur
Sardor Kamilov et ceux qui l’accompagnaient aient pu savoir dans quel hôtel
était descendu le défenseur des droits Steve Swerdlow ?
- pourquoi l’hôtel n’a-t-il pas assuré
à son hôte, qui résidait légalement dans son établissement, la protection qui
lui était due ?
- pourquoi, à ce jour, les services
de la procurature ne se sont-ils pas prononcés sur la qualification juridique
des agissements de Sardor Kamilov et des autres agresseurs ?
-
Sardor Kamilov et les autres agresseurs ont-ils eu la possibilité de discuter
de tous ces thèmes dans des conditions d’ouverture et de respect mutuel ?
Les représentants officiels de l’État
ouzbek, depuis la tribune de hautes instances internationales, proclament leur attachement
au respect des droits de l’homme et leur désir de dialogue. Toutefois, ce qui
vient d’arriver au représentant de HRW, Steve Swerdlow, montre que, pour
l’heure en Ouzbékistan, les conditions de sécurité des participants à ce processus
ne sont pas assurées.
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