19.12.14

La Norvège n’expulsera pas les ressortissants ouzbékistanais

Le 19 décembre 2014, la Commission d’appel de l’immigration (Norwegian immigration appeals board - UNE) a annoncé l’annulation des déportations des citoyens ouzbékistanais, y compris de ceux qui avaient enfreint le règlement de Dublin, déterminant l’Etat membre de l’Union européenne responsable d’examiner la demande d’asile d’un réfugié et la procédure d’examen de cette demande. 

Le film « Trahison », qui avait été diffusé le 11 décembre 2014 sur la chaîne de télévision nationale « Uzbekistan », a fait beaucoup de bruit dés son apparition sur Internet. Il a pour sujet la vie de huit citoyens ouzbékistanais, qui avaient émigré en Norvège pour y demander le statut de réfugié. En 2014, les autorités norvégiennes les avaient expulsés vers l’Ouzbékistan. Là, ils ont été privés de liberté, contraints à une repentance publique pour « faux témoignage » contre leur pays, et « trahison à la Patrie », mais également pour « appartenance à un groupe religieux extrémiste ». Leurs témoignages ont été filmés et diffusés à la télévision. 

L’Association des Droits de l’homme en Asie centrale  salut le travail effectué par les avocats norvégiens, et remercie le Comité Helsinki norvégien et les médias nationaux pour leur défense active des droits des réfugiés, ainsi que le gouvernement norvégien pour avoir pris une décision en faveur de la protection des droits de l’homme et de la lutte contre la torture.

Selon les informations récoltées par notre organisation, 18 migrants ouzbékistanais, expulsés de Norvège, ont été victime d’acte de répression à leur retour forcé en Ouzbékistan. D’après leurs témoignages, les autorités ouzbékistanaises ont constitué une liste de ceux qui se trouvaient actuellement en Ouzbékistan. Les proches de ces migrants sont désormais persécutés : la plupart sont interdits de sortie du territoire nationale, tandis que tous ceux qui travaillaient au sein d’institutions publiques ont été licenciés. 



14.12.14

Ouzbékistan : ceux qu’on appelle les «traîtres à la Patrie»

Le 11 décembre 2014, un film de propagande intitulé « Khiyona », « trahison »  en ouzbek, a été diffusé sur la chaîne de télévision nationale «Ouzbékistan».

Le sujet portait sur des réfugiés ouzbékistanais qui avaient demandé l’asile en Norvège.

La Norvège expulse très régulièrement les ressortissants d’Ouzbékistan vers leur pays d’origine. Or, il a a été prouvé que ces derniers étaient à leur retour systématiquement torturés, et accusés sur la base de faux témoignages d’oeuvrer contre l’Ouzbékistan, puis contraints de faire publiquement de faux aveux et de déclarer appartenir à des « groupes extrémistes », avant d’être désignés comme des «traîtres à la Patrie». 

Voici une présentation de ces citoyens ouzbékistanais, expulsés de Norvège, et  un court résumé du film de propagande diffusé à leur propos.

1. Assadoulla Khaïroullaïevitch RIKHSIÏEV, né en 1986 à Tachkent. Il a fait des études supérieures et a été diplômé en 2007 de l’université d’informatique et de technologie. L’article sur lequel se fonde sa condamnation, ainsi que la durée de sa peine d’emprisonnement n’ont pas été précisés. Selon les auteurs du film, il aurait adhéré à « un groupe religieux extrémiste », non nommément désigné. Devant la caméra, Assadoulla Rikhsiïev déclare qu’il a fait connaissance en Norvège avec un Iranien du nom de Nadin qui l’a convaincu d’aider les musulmans qui se battent contre les « infidèles».

Assadoulla Rikhsiïev explique n’être venu en Norvège que pour des raisons économiques : trouver du travail et aider financièrement ses proches, mais que, sur les conseils d’inconnus, il avait menti au  service des migrations norvégien pour obtenir le statut de réfugié en leur déclarant qu’il était homosexuel. Selon l’article 120 du Code pénal d’Ouzbékistan, l’homosexualité est passible d’une peine de trois ans de prison. 

2. Zafar Salim ogli KARIMOV, né en 1985 à Tachkent. Il est diplômé d’études supérieures. L’article sur lequel se fonde sa condamnation, ainsi que la durée de sa peine d’emprisonnement n’ont pas été précisés. Selon les auteurs du film, il aurait adhéré à « un groupe religieux extrémiste » non nommément désigné. 

Zafar Karimov explique devant la caméra être venu en Norvège pour y trouver du travail. Des inconnus l’ont rencontré et lui ont conseillé de s’adresser au service des migrations norvégien pour demander à obtenir le statut de réfugié afin de recevoir une autorisation de travail. Ils lui ont également recommandé de changer de nom. 

3. Darvon Akhrolovitch RAKHMONOV, né en 1984 à Tachkent. L’article sur lequel se fonde sa condamnation, ainsi que la durée de sa peine d’emprisonnement n’ont pas été précisés. Selon les auteurs du film, il aurait adhéré à « un groupe religieux extrémiste » non nommément désigné. 


Darvon Rakhmonov explique devant la caméra être venu en Norvège pour y trouver du travail. Des inconnus l’ont rencontré et lui ont conseillé de déclarer au service des migrations norvégien qu’il était un joueur invétéré, qu’il avait perdu aux jeux une somme conséquente, et que s’il revenait, il serait « découpé en morceaux ». Il avait en sa possession un faux passeport sous un faux nom qu’il utilisait pour envoyer l’argent qu’il gagnait à ses proches.

4. Akhmadjone Moukhammadjanovitch KHOLIKOV, né en 1980 à Tachkent. Il a suivi des études secondaires. L’article sur lequel se fonde sa condamnation, ainsi que la durée de sa peine d’emprisonnement n’ont pas été précisés. Selon les auteurs du film, il aurait adhéré à « un groupe religieux extrémiste » non nommément désigné

Akhmadjone Kholikov déclare devant la caméra être venu en Norvège pour y trouver du travail. Sur les conseils de ses passeurs, il a déclaré au service des migrations qu’on avait trouvé sur lui en Ouzbékistan 1,2 kg de drogue dure, et qu’il risquait d’être arrêté. Akhmadjone Kholivov explique qu’il a menti aux autorités norvégiennes pour pouvoir avoir à un logement gratuit et obtenir une autorisation de travailler. Après avoir découvert qu’il avait un faux passeport roumain, il a été arrêté pendant 100 jours avant d’être expulsé.

5. Choukhrat Qodirovitch ILKHOMOV, né en 1977 à Tachkent. Il est marié et à deux enfants. Il a suivi des études secondaires. L’article sur lequel se fonde sa condamnation, ainsi que la durée de sa peine d’emprisonnement n’ont pas été précisés. Selon les auteurs du film, il aurait adhéré à « un groupe religieux extrémiste » non nommément désigné.

Choukhrat Ilkhomov déclare devant la caméra être venu en Norvège pour y trouver du travail. Sur les conseils de personnes qui l’avaient aidé à atteindre la Norvège, il a menti au service des migrations en déclarant qu’il était homosexuel dans le but d’obtenir une autorisation légale de séjour sur le territoire norvégien et un permis de travail. 


6. Jakhongir Qotchqorovitch TOJIEV, né en 1984 à Tachkent. Il est marié et a deux enfants. Selon les auteurs du film, il aurait adhéré à « un groupe religieux extrémiste » non nommément désigné. 

Tout comme les autres personnages du film, Jakhongir Tojiev déclare devant la caméra être venu en Norvège pour y trouver du travail. Il a demandé à obtenir le statut de réfugié pour être autorisé à vivre et à travailler légalement en Norvège. Et il était persuadé que ça ne se saurait pas en Ouzbékistan. 
  • Résumé du contenu du film 

Pendant 35 minutes, les auteurs du film présentent leur version de la vie de ces huit hommes. Les personnages du film sont venus en Norvège chercher du travail, en utilisant les procédures prévues par la convention des Nations unies sur le statut des réfugiés de 1951. Six d’entre eux ont été condamnés et emprisonnés sans que la durée de leur incarcération ne soit précisée. Deux des six hommes déclarent que les motifs de leur demande adressée aux service des migrations, et ce qu’ils faisaient, avaient été communiqués aux service de sécurité d’Ouzbékistan à leur arrivée en Norvège. (Tous sont de simples citoyens et n’ont pas de protecteurs hauts placés dans ce pays corrompu).

Comme l’expliquent les personnages du film, «ce n’est qu’une fois rentrés chez eux qu’ils comprennent qu’ils ont trahi leur Patrie». En Norvège, ils travaillaient, et allaient à la mosquée le vendredi. De temps en temps, ils se réunissaient et regardaient des films trouvés sur Internet sur les souffrances des musulmans dans les pays déchirés par la guerre. C’est pourquoi ils envoyaient à ces derniers une partie de l’argent qu’ils avaient gagné afin de les soutenir.

Tous se sont repentis jusqu’aux larmes et ont demandé au peuple ouzbékistanais de leur pardonner pour les «faux témoignages qu’ils ont délivrés contre l’Ouzbékistan» en Norvège, où ils se trouvaient en violation des lois ouzbékistanaises et norvégiennes. Et ils «ont regretté d’avoir adhéré par erreur à des organisations extrémistes (aucun des condamnés n’a précisé de quelles organisations ils parlaient) et d’avoir trahi la Patrie». 

Les personnages du film Ilkhom Azamov et Temour Zoïtov ont déclaré avoir conscience que les six personnes mentionnées précédemment «avaient fait un faux-pas et avaient trahi la patrie». Ils avaient aussi vécu tous les deux en Norvège et avaient discuté avec ces «traîtres». Cependant, lorsqu’ils sont rentrés en Ouzbékistan, ils sont allés voir les services de sécurité «pour leur avouer leurs erreurs» et «dénoncer les traîtres». Selon eux, l’Ouzbékistan est « un Etat humain qui pardonne les erreurs de ceux qui se repentissent». Ils ont été pardonnés, et sont en liberté. 

Les réalisateurs du film et les experts demandent pathétiquement pour quelles raisons la Norvège accueille-t-elle des «criminels» et des « extrémistes », s’indignent devant la mise en place dans ce pays de conditions favorables pour les organisations religieuses extrémistes. Selon leurs récriminations, les criminels en question viennent en Norvège afin de recevoir leurs papiers administratifs, puis rejoignent des pays musulmans. Ou reviennent en Ouzbékistan en se faisant expulsés afin d’y «mener des activités extrémistes». Cependant, à la différence de la Norvège, « l’Ouzbékistan empêche que de tels crimes puissent être commis». 
  • Conclusions

Selon les informations de notre organisation, plus de 18 Ouzbékistanais expulsés de Norvège en 2014 se trouvent actuellement en prison ou font l’objet d’une enquête. Il est très difficile d’établir leur véritable identité, car tous se sont présentés sous de faux noms et ont faussé leurs date et lieu de naissance. Il n’est en effet pas rare que les ressortissants ouzbékistanais demandent le statut de réfugié politique en fournissant un deuxième passeport qu’ils ont obtenu en Ouzbékistan après avoir déclaré avoir perdu le premier, et sur lequel une transcription de leurs nom et prénom différente est indiquée. En présentant ce deuxième passeport, ils peuvent ainsi obtenir des documents officiels d’un gouvernement étranger sous une autre identité. Les citoyens ouzbékistanais obtiennent fréquemment la nationalité russe en présentant ce deuxième passeport, et demandent ensuite un visa pour un pays européen sous cette fausse identité. Enfin, une fois arrivé dans le pays européen souhaité, ils cherchent souvent à obtenir le statut de réfugié politique sous la nationalité ouzbékistanaise. Cette pratique est connue des services des migrations des pays occidentaux. Selon les statistiques, un nombre croissant de personnes voient leurs demandes rejetées en raison des fausses informations qu’ils fournissent  ; et les cas d’expulsion se multiplient.

La Norvège établit la nationalité du demandeur d’asile auquel elle a refusé d’octroyer le statut de réfugié par l’intermédiaire de l’ambassade du pays d’origine de ce dernier. Dans le cas d’un ressortissant ouzbékistanais, c’est l’ambassade d’Ouzbékistan à Riga qui est contacté. La requête de la Norvège est envoyée par le ministère des Affaires étrangères aux organes concernés du ministère de l’Intérieur et des services nationaux de sécurité (SNB). Dés que le demandeur d’asile, expulsé de Norvège, arrive sur le territoire ouzbékistanais, il est systématiquement arrêté à l’aéroport sur ordre du parquet, puis interrogé par les services de contre-espionnage du SNB. Lors de cet interrogatoire, lui sont montrés des photos de ses concitoyens qui ont longtemps vécu à l’étranger, et qui sont le plus souvent des activistes religieux ou de la société civile, ou des photos de participants à des manifestations organisées par des réfugiés politiques.

Les Ouzbékistanais qui recherchent du travail partent souvent en Norvège en utilisant des passeports où leurs noms et prénoms ont été modifiés (cf. ci-dessus). Un groupe criminel ont mis en place une filière d’émigration vers la Norvège en promettant du travail aux intéressés. Alors qu’une partie du groupe agit à Tachkent, les autres membres du groupe rencontrent leurs « clients » en Norvège, et les accompagnent jusqu’au camp de réfugiés, en leur expliquant préalablement comment tromper le service des migrations norvégien. Même les interprètes de ce service participent à ce business. Les victimes de cette filière désignent régulièrement un certain Narguize comme étant à la tête du réseau. Des réfugiés ouzbékistanais ont essayé à plusieurs reprises de dénoncer ces criminels en Norvège. Mais à chaque fois, ces derniers étaient mis au courant de leurs intentions, et les menaçaient d’informer le SNB de l’endroit exact où ils se trouvaient en Norvège, et des raisons pour lesquelles ils avaient quitté l’Ouzbékistan. Pour protéger leurs proches, souvent âgés, restés en Ouzbékistan, les réfugiés mettaient fin à leur enquête. 

L’Association des « Droits de l’homme en Asie centrale » - AHRCA appelle la Norvège à respecter ses engagements en tant qu’Etat signataire de la convention des Nations unies relative au statut des réfugiés et de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et à modifier son mode opératoire avec les réfugiés. L’AHRCA exhorte notamment la Norvège à:
- cesser d’expulser les citoyens ouzbékistanais vers leur pays d’origine, où ils sont systématiquement torturés dans un Etat où l’indépendance de la justice n’existe pas.
- cesser de tamponner les passeports des citoyens ouzbékistanais avec la mention «expulsion». Les fonctionnaires d’Etat ouzbékistanais extorquent des pots-de-vin aux citoyens détenteurs d’un passeport ainsi marqué en les menaçant de les accuser « de faux témoignage contre la patrie» et de  «trahison». 
- cesser de communiquer à l’ambassade d’Ouzbékistan des informations sur les ressortissants ouzbékistanais ayant demandé l’asile, même en cas de rejet de leur demande ou de violation de leur part des règles administratives.
Nous demandons expressément que soient revus tous les dossiers des demandeurs d’asile ouzbékistanais, qui doivent être expulsés, a fortiori si des information les concernant ont déjà été transmises à l’ambassade d’Ouzbékistan. En cas de retour, ils risquent d’être torturés. 



 Lien vers le film «trahison»





6.11.14

France-Ouzbékistan : rencontre en catimini entre Laurent Fabius et le ministre ouzbek des Affaires étrangère


Jeudi 6 et vendredi 7 novembre, le ministre ouzbek des affaires étrangères devrait rencontrer discrètement Laurent Fabius ainsi que des membres du Sénat et de l’Assemblée nationale. L’ACAT et l’Association Droits de l’Homme en Asie Centrale expriment leur surprise et leur profonde préoccupation concernant cette rencontre avec le représentant d’un régime où la torture est pratiquée de manière systématique.

Aucune information n’apparait sur l’agenda officiel deLaurent Fabius , de l’Assemblée nationale ou du Sénat. L’ACAT et l’Association Droits de l’Homme en Asie Centrale ont découvert cette information sur l’agenda officiel du ministère ouzbek. Celui-ci indique que la délégation ouzbèke emmenée par Abdoulaziz Kamilov, le ministre des affaires étrangères, doit rencontrer son homologue français, des membres du Sénat et de l'Assemblée nationale ainsi que des représentants des milieux d'affaires français. Seul le Medef international annonce cette rencontre.

Selon Christine Laroque, responsable Asie à l’ACAT, « La plupart des dirigeants occidentaux évitent, à juste titre, de rencontrer les dignitaires ouzbeks. Il est surprenant et choquant de voir aujourd’hui les plus hautes instances françaises organiser de telles rencontres dans le plus grand secret. Le silence autour de cette visite témoigne d’un embarras politique de leur part, et d’un manque de transparence de la part du pouvoir politique vis-à-vis de la société civile française. »

Selon Nadejda Atayeva, présidente de l’Association Droits de l’Homme en Asie Centrale, « Depuis l’arrivée au pouvoir d’Islam Karimov il y a 25 ans, le gouvernement ouzbek est l’un des pires régimes tortionnaires et répressifs au monde. La torture y est systématique dans les postes de police et dans les prisons. » Le Comité des Nationsunies contre la torture a très sévèrement critiqué l’Ouzbékistan il y a un an .

Des dizaines de défenseurs des droits de l’homme, des journalistes et des militants pacifiques y sont détenus sur le fondement de motifs politiques. Des milliers de personnes y sont enfermées pour avoir simplement exercé leur religion de façon pacifique, aussi bien des chrétiens que des musulmans.

Le Comité international de la Croix rouge a mis fin depuis 2013 à ses visites en détention car le gouvernement refusait de respecter les procédures de visites du CICR. Depuis près de 12 ans, aucun expert des Nations unies n’a pu entrer dans le pays pour examiner la situation des droits de l’homme. Aucune ONG internationale n’est présente depuis l’expulsion de Human Rights Watch en 2011.

Les défenseurs ouzbeks des droits de l’homme prennent des risques considérables, parfois au prix de leur vie, comme Abdurasul Khudoinazarov, un prisonnier longtemps soutenu par l’ACAT. Ce militant connu pour son travail mené contre la corruption des policiers et des forces de sécurité a passé 8 ans en prison sous la torture. Privé de soins médicaux et soumis à des sévices, sa santé s’est gravement détériorée. Il a été libéré en mai 2014 pour raisons médicales avant de décéder quelques semaines plus tard, le 26 juin dernier, le jour international de soutien aux victimes de torture.

Depuis le massacre d’Andijan en 2005, au cours duquel les forces de l’ordre ont tiré sur une foule de manifestants pacifiques, tuant des centaines de personnes dans cette ville, aucune enquête indépendante n’a été menée et aucun responsable n’a jamais été poursuivi. Par conséquent, la France avec les autres États de l’UE avaient imposé, entre 2005 et 2009, des sanctions à l’encontre du gouvernement ouzbek, qui étaient conditionnées au respect des droits de l’homme.

L’ACAT et l’Association Droits de l’Homme en Asie Centrale estiment que de telles rencontres, qui impliquent des négociations économiques et éventuellement des coopérations stratégiques et militaires avec les autorités françaises, devraient avoir lieu uniquement lorsque le gouvernement ouzbek aura montré les preuves crédibles de son intention de garantir l’application des droits de l’homme. L’ACAT et l’Association Droits de l’Homme en Asie Centrale leur demandent d’utiliser au moins cette occasion pour exprimer publiquement et directement au ministre ouzbek les préoccupations de la France à propos de la situation des droits de l’homme en Ouzbékistan.

Contacts presse :

        Pierre Motin, ACAT, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr  
        Nadejda Atayeva, Association Droits de l’Homme en Asie centrale, 06 49 38 86 59 asiecentrale@neuf.fr (russe)









24.10.14

Lettre ouverte à Monsieur François Hollande, Président de la République française


François Hollande
Président de la République française
Palais de l’Elysée
55 rue du Faubourg St Honoré
75008 PARIS

Le Mans, le 24 octobre 2014

Monsieur Le Président de la République

            C'est au moment le plus critique de la vie des défenseurs des droits humains azerbaïdjanais,  Leyla et Arif Yunus que je voudrais m'adresser à vous. Je sais que leur vie est en danger. Depuis trois mois, ils se trouvent en détention sous une accusation fabriquée de toute pièce qui prévoit un internement à vie. Leyla a subi des tortures, quant à Arif, nous n'avons plus de nouvelles de lui depuis deux mois.

            Vous les connaissez. Ils ont fondé l'Institut de la paix et de la démocratie en Azerbaïdjan.  Vous avez rencontré Leyla Yunus en mai 2014, lors de votre visite à Bakou. Elle est Chevalier de la Légion d'Honneur de la République Française. Arif Yunus est l'un des historiens azerbaïdjanais contemporains les plus compétents, auteur de nombreux ouvrages sur l'islam et les conflits inter-ethniques dans l'espace post-soviétique. Il est membre du Bureau de notre d’Association Droits de l’Homme en Asie Centrale.

            Ces jours-ci, la voix des défenseurs des droits humains, Leyla et Arif Yunus, qui ont constamment soutenu les principes de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, est en train d'être réduite au silence. L'état de leur santé est précaire, Leyla souffre de douleurs incessantes. Peu avant son arrestation, Leyla a subi plusieurs opérations et Arif a dû rester à l'hôpital pour prévenir une hémorragie cérébrale. Ces deux personnes d'un certain âge, souffrantes, se trouvent depuis 90 jours dans des conditions intolérables, sous la pression constante du pouvoir injustifié d'Ilham Aliyev. Ils subissent humiliations et tortures en permanence et sont privés de soins médicaux.

            Des millions de personnes de bonne volonté observent l'histoire tragique des  défenseurs des droits humains en détention, Leyla et Arif Yunus, et observent que la seule «diplomatie tranquille» ne suffit plus.
           
            La France est susceptible d'aider les défenseurs des droits humains qu'elle a reconnus, Leyla et Arif Yunus, et de prendre une part significative dans leur destinée. Et cela, justement maintenant, alors qu'ils sont en danger de mort.

            Leyla et Arif ont défendu pendant 30 ans les droits et les libertés des citoyens d'Azerbaïdjan. Ils sont les premiers à avoir appelé à soutenir, sur notre demande, les victimes des crimes de masse à Andijan en Ouzbékistan, en mai 2005. Ils ont été les premiers à exprimer leurs condoléances aux victimes du conflit inter-ethnique de la ville d'Osh dans le sud du Kirghizstan en juin 2010. Jamais les informations sur les tortures ne les ont laissés indifférents. Leurs activités de défenseurs des droits humains étaient liées au sort de millions de victimes des droits humains bafoués dans divers pays. Ils ont mérité non seulement la reconnaissance de la France, mais aussi un soutien actif.

            Monsieur Le Président de la République,
         Je vous écris cette lettre à la veille de la visite en France du chef de l'Azerbaïdjan, Ilham Aliyev. J'ai confiance en vous et espère sincèrement que vous trouverez les mots et les arguments pour influencer la libération des courageux défenseurs des droits humains, Leyla et Arif Yunus, privés de liberté sur ordre d'Ilham Aliyev. Leur destin ne dépend pas uniquement d'Aliyev, mais également de vous personnellement.

            Et vous prie également d'agréer, Monsieur Le Président de la République, l'expression de ma très haute considération.


Nadejda Atayeva
Présidente d’Association Droits de l’Homme en Asie Centrale
    Ainsi que la liste des 550 personnes qui appuient.


P.S. Je prie de bien vouloir trouver dans le courrier qui vous parviendra par la poste, une notice biographique de Leyla et Arif Yunus, ainsi que la liste des personnes qui appuient ma demande.