· 21 octobre
21/10/2013 à
17h09
Chère Lara
Fabian,
Vous arrivez à
Tachkent. Je rêve tellement de venir à votre concert… mais je ne pourrai pas
pour deux raisons...
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Chère
Lara Fabian,
Vous arrivez à
Tachkent. Je rêve tellement de venir à votre concert… mais je ne pourrai pas
pour deux raisons.
Je suis étudiant ; je fais mes
études, en première année, à l’Université. Comme la plupart de vos admirateurs,
je suis actuellement dans les champs de coton. Chaque jour je dois récolter
70 kg de coton [la norme]. Un kilogramme de coton est payé 117 Sum [la monnaie
d’Ouzbékistan],
soit 6 US
cents, mais nous ne recevons pas d’argent. Nous devons régler quotidiennement
1,50 US dollar [1,50 $ = 3 200 Sum] pour nos repas. À la fin de la
saison nous restons même parfois endettés devant l’État. Les produits
d’alimentation qu’on nous distribue sont périmés. J’ai tenté de photographier
la nourriture qu’on nous donne, mais les professeurs m’ont réprimandé et on me
menace de me faire exclure de l’Université. Deuxième raison, je ne pourrais
jamais acheter une place pour votre concert. Dans notre pays il y a beaucoup de
chômeurs, dans notre ville ne fonctionne qu’une usine d’extraction
d’huile ; d’autres usines et fabriques sont fermées parce que, chez nous,
il n’y a pas de devise nationale ouzbek convertible, et les entreprises ne
peuvent pas de ce fait s’approvisionner en matières premières
indispensables à leur production. Dans les champs, nous n’avons pas la
télévision ; ici il n’y a même pas d’éclairage convenable ; le local
où nous vivons n’est pas non plus chauffé.
C’est
avec plaisir, que j’ai vu votre dernier concert «Mademoiselle Jivago» à
la télévision par câble. J’ai beaucoup aimé. Je vous souhaite tout le succès
possible.
J’ai
demandé aux défenseurs des droits de l’Homme de vous transmettre ma
lettre ; ils connaissent mon nom. Je ne peux pas signer ouvertement ma
lettre car je serais assurément exclu de l’Université, voire mis en prison,
comme mon voisin qui a consulté des sites d’opposition sur Internet. En
Ouzbékistan, il y a beaucoup de prisonniers politiques, des milliers. Je pense
que vous serez intéressée d’apprendre qui sont vos vrais admirateurs et
pourquoi ils ne peuvent pas venir à votre concert: c’est la raison qui
m’a poussé à vous écrire.
J’espère
que vous n’êtes pas uniquement une chanteuse de talent mais aussi une personne
chaleureuse.
Votre
admirateur,
Madamin