28.7.15

Russie: disparition d’Ekhson Odinaïev, blogueur tadjikistanais du «Groupe 24»

Cela fait 72 jours que le blogueur Ekhson Odinaïev, plus connu sous le pseudonyme de Sarafrozi Olamafrouz, a disparu.

Ekhson Saïfoulloïevitch Odinaïev est né le 12 juin 1991. Il a la nationalité tadjikistanaise.

Il est diplômé d'études secondaires, et vit depuis 2007 en Russie. Les premières années, il a participé activement à des évènements culturels, organisés par l'ambassade du Tadjikistan à Moscou, et à des projets de défense des droits des travailleurs migrants tadjikistanais.

Quand Ekhson Odinaïev se heurta à l'injustice et à l'arbitraire du régime répressif d'Emomali Rakhmon, il devint un membre très actif de la société civile. Lors des dernières élections présidentielles, il vota pour un candidat alternatif, et commença à participer à des manifestations organisées par les chefs de l'opposition politique.

Puis, Ekhson Odinaïev devint un membre actif du mouvement de «La Jeunesse du Tadjikistan pour la Renaissance», qui fait partie de l’organisation politique du «Groupe 24».

Vaïssiddin Odinaïev a écrit dans sa déposition concernant la disparition de son frère Ekhson Odinaïev: «Le 19 mai 2015, Ekhson Odinaïev est sorti vers 18 heures de chez lui, 20 rue Tambovskaïa, à Saint-Pétersbourg, et se dirigeait supposément vers la pharmacie «Fialka» pour acheter le médicament « Aridzon » contre les inflammations oculaires. Il ne revint pas. Son téléphone portable ne répond pas et lui-même n’a donné aucun signe de vie.»

Cette déposition a été faite le 23 mai 2015 auprès du département du ministère des Affaires intérieures du quartier de Frounzen, à Saint-Pétersbourg. Depuis lors, les autorités ne se sont pas manifestées.

Quelques mois avant sa disparition, il avait secrètement emménagé dans l'appartement d'un ami. Des proches y ont découvert des dispositifs d'écoute. Selon eux, Ekhson Odinaïev avait fait plusieurs fois allusion, les derniers jours avant sa disparition, au fait qu’il était suivi par des personnes suspectes. Quand son frère et sa mère se sont rendus dans cet appartement après sa disparition, ils ont découverts que les lieux avaient été illégalement perquisitionnés. Selon sa mère, Ekhson Odinaïev avait réussi à laisser des traces qui suggéraient qu’il avait disparu contre sa volonté.

Tous ceux qui connaissent personnellement Ekhson Odinaïev sont convaincus que les services spéciaux du Tadjikistan, qui étaient depuis longtemps à sa recherche, sont mêlés à sa disparition. La veille de sa disparition, le Tadjikistan avait émis un mandat d'arrêt international contre lui via Interpol sur la base d’accusation de cybercriminalité. Ces accusations, qui apparaissent plus que douteuses, semblent politiquement motivées. Beaucoup d'éléments soulignent que ce jeune et impertinent blogueur irritait les autorités corrompues du Tadjikistan en les critiquant ouvertement.

Le nom de Sarafrozi Olamafrouza est très populaire sur Internet, notamment parmi les internautes tadjikistanais. Voici une liste non exhaustive de ses écrits sur des réseaux sociaux et des sites internet d'opposition:


Le Tadjikistan mène actuellement un campagne de répression sans précédent à l’encontre des opposants du régime d’Emomali Rakhmon. Les services secrets de ce pays utilisent dans ce cadre des méthodes illégales et cruelles:
  • le chef du mouvement de « La Jeunesse du Tadjikistan pour la Renaissance », Maksoud Ibraguimov a été kidnappé en janvier 2015 à Moscou, et amené illégalement au Tadjikistan. Sous la torture, il a été contraint de reconnaître par écrit qu’il était revenu de sa propre volonté dans son pays natal. Le 24 juillet 2015, il a été condamné à 17 ans de prison dans une colonie pénitentiaire à régime sévère;
  • le chef de l’organisation d’opposition du « Groupe 24 », Oumarali Kouvvatov, après avoir été victime de plusieurs tentatives de meurtre, a été empoisonné avec sa femme et ses enfants, avant d’être tué par une balle dans la tête en mars 2015 à Istanbul;
  • de nombreux partisans de chefs de l’opposition politique et voix critiques du régime ont été arrêtés ou kidnappés.
Les activistes tadjikistanais, même ceux qui ont obtenu la nationalité russe, quittent le territoire de la Communauté des Etats indépendants (CEI) et demandent une protection internationale auprès d’Etats qui ont ratifié la convention des Nations unies relative au statut des réfugiés. Ils sont contraints de réagir ainsi en raison des actions des services secrets du Tadjikistan. Ceux qui restent en Russie, ou dans d’autres pays de la CEI, sont ensuite obligés de partir clandestinement. Ils ne croient plus que les avocats et les défenseurs des droits de l’homme puissent les défendre. De nombreux activistes de la société civile du Tadjikistan, en particulier ceux qui vivent à l’étranger, ressentent un fort sentiment de désolation. Dans la panique, ils s’adressent à l’Association Droits de l’homme en Asie Сentrale» et à d’autres organisations internationales de défense des droits de l’homme: Human Rights Watch, Amnesty International, etc…

L’Association Droits de l’homme en Asie Сentrale  AHRCA est extrêmement inquiète suite à la disparition du blogueur tadjikistanais Ekhson Odinaïev. Nous appelons les autorités russes à garantir les conditions indispensables pour que cette affaire fasse l’objet d’une enquête impartiale et objective

Cette campagne massive qui vise à faire taire les voix critiques du régime d’Emomali Rakhmon peut expliquer l’inefficacité des mécanismes nationaux de défense des droits de l’homme au Tadjikistan et dans d’autres pays de la CEI. Une intervention urgente de la communauté internationale est indispensable pour rappeler au Tadjikistan de respecter les libertés et les droits de l’homme fondamentaux.





21.7.15

Chabnam Khoudoïdova, citoyenne tadjikistanaise, détenue en Biélorussie, a enfin pu avoir accès à un avocat

Le 14 juillet 2015, un avocat biélorusse a enfin pu rencontrer la prévenue Chabnam Khoudoïdova, selon sa soeur Mijgona Khoudoïdova.
Chabnam Khoudoïdova
Chabnam Khaïroulloïevna KHOUDOÏDOVA est née le 20 décembre 1986 en république socialiste soviétique du Tadjikistan, à Koulob (Sud du pays, 3ème ville par sa population). Elle a une fille (mineure).

Chabnam Khoudoïdova soutenait activement les idées de l’opposition politique au Tajikistan sur les réseaux sociaux, et défendait la nécessité d’y mener des réformes démocratiques.  Elle participait également autant qu’elle le pouvait à des actions humanitaires en soutien à des migrants tadjikistanais, partis de leur pays pour des raisons économiques.

L’activiste du “Groupe 24”, inscrite par le Tadjikistan sur la liste des personnes recherchées par Interpol, se trouve actuellement à la maison d’arrêts n°7 (ministère de l’Intérieur de Biélorussie). Nous venons d’apprendre qu’elle avait été arrêtée et placée en détention provisoire le 13 juin 2015, et non le 15 comme nous l’avions écrit précédemment. Elle a ainsi passé les trois premiers jours de sa détention provisoire dans une cellule d’isolement des services douaniers, avant d’être transférée à la maison d’arrêts de Brest.

Chabnam Khoudoïdova a demandé l’asile politique en Biélorussie et sa requête serait actuellement à l’étude. Quant aux conditions de détention et au traitement auxquels elle est soumise, elle n’a aucun grief.  Chabnam Khoudoïdova est avant extrêmement inquiète face à la menace d’un retour forcé au Tadjikistan.

L’Аssociation Droits de l’Homme en Asie Centrale” - AHRCA salue l’autorisation délivrée à Chabnam Khoudoïdova d’avoir accès à un avocat. Cette condition est indispensable pour le respect de son droit fondamental à se défendre.



Pour plus d’information, lire les précédents communiqués de l’AHRCA à ce sujet :
            — «Tadjikistan: Maksoud Ibraguimov, chef du mouvement politique “La jeunesse pour la renaissance du Tadjikistan” condamné à 13 ans de prison», 15.07.2015;

«Biélorussie: Chabnam Khoudoïdova, en maison d'arrêts depuis dix jours, n'a toujours pas accès à son avocat», 04.07.2015;

«Biélorussie: arrestation de l’activiste tadjikistanaise Chabnam Khoudoïdova, membre du “Groupe 24”», 18.06.2015;
  «Turquie: l’opposant politique Oumarali Kouvatov tué par balle à Istanbul», 05.03.2015 ;
«Arrestations d’activistes tadjikistanais  et disparition de Maksoud Ibraguimov à Moscou», 26.01.2015;
  «Turquie: le président du “Groupe 24” Oumarali Kouvatov menacé d’extradition», 13.01.2015;
  «Turquie: arrestation président du «Groupe 24» Oumarali Kouvatov»,  20.12.2014 ;
«Russe: tentative d’assassinat contre l’opposant politique tadjikistanais Maksoud Ibraguimov», 01.12.2014.


20.7.15

Félicitations à Azimjan Askarov, lauréat du prix “Défenseur des droits de l’homme”

L’Association Droits de l’Homme en Asie Сentrale adresse toutes ses félicitations à Azimjan Askarov auquel le département d’État américain a attribué, le 14 juillet 2015, le prix “Défenseur des droits de l’homme” pour son activisme et ses efforts pour rétablir la justice au Kirghizstan. 

L’attribution de ce prix prend une symbolique particulièrement importante alors que les violations des libertés et des droits fondamentaux ne cessent de se multiplier au Kirghizstan et dans les autres pays d’Asie centrale, et que les autorités persécutent les défenseurs des droits de l’homme. La société civile tient ainsi en très haute estime le soutient apporté par ce biais par le département d’État américain.
Azimjan ASKAROV est un défenseur des droits de l’homme. Il a notamment fondé l’organisation “Vozdoukh” (ce qui signifie “Air” en russe) au Kirghizstan. Il rassemblait des informations et enquêtait sur les abus des forces de l’ordre. Sa position très critique irrita les autorités.
Le 15 septembre 2010, Azimjan Askarov fut condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité pour avoir prétendument participé à l’organisation de troubles de masse, et au meurtre d’un membre des forces de l’ordre lors des affrontements interéthniques dans le sud du Kirghizstan, en juin 2010. Lors de l’enquête, il a été torturé, tandis que des policiers qui ont participé au conflit interéthnique ont témoigné contre lui.
Le 3 septembre 2014, la Cour suprême du Kirghizstan a rejeté la demande d’Azimjan Askarov de réouvrir son dossier, et a maintenu en vigueur le verdict prononcé par le tribunal de la ville de Bichkek le 16 juin 2014 sur la clôture de cette affaire.
M. Askarov purge actuellement sa peine dans la colonie pénitentiaire №47.
Sa plainte a été étudiée par le Comité des droits de l’homme des Nations unies.
Une campagne internationale pour défendre Azimjan Askarov a été lancée par les activistes des droits de l’homme kirghizstanais. Elle est soutenue par toutes les organisations de défense des droits de l’homme et les forces de la société civile des pays démocratiques.

Le ministère des Affaires étrangères du Kirghizstan a sévèrement critiqué l’attribution du prix “Défenseur des droits de l’homme” par le département d’État des États-Unis à Azimjan Askarov. Par cette réaction inadéquate, les autorités confirment le caractère politique de la condamnation du défenseur des droits de l’homme, et la dépendance du pouvoir judiciaire face à l’exécutif.

Nous appelons le gouvernement du Kirghizstan à respecter ses obligations en vertu des traités internationaux dans le domaine des droits de l’homme et de la Constitution de la République du Kirghizstan.

Nous souhaitons au défenseur des droits de l’homme Azimjan Askarov une libération très prochaine.




La Cour suprême d’Ouzbékistan maintient en vigueur la condamnation de Mourad Djouraev

—Le prisonnier politique Mourad Djouraev a épuisé toutes les voies de recours internes pour contester sa dernière condamnation, prononcée le 4 décembre 2012. 
Mourad Djouraev
Mourad Djouraev est né en 1952 à Moubarak, dans la région de Kachkadarie en Ouzbékistan, et est d’origine ethnique turkmène. Il est marié et a trois enfants. Il est diplômé de l’institut polytechnique de Tachkent. En 1991-1992, il a dirigé le comité exécutif du conseil de la ville de Moubarak, et a été élu au Parlement d’Ouzbékistan.

Il a été accusé avec le chef du parti politique d’opposition “Erk”, Mouhammad Salikh, d’association de malfaiteurs. Selon la version officielle, Messieurs Salikh et Djouraev auraient voulu organisé un coup d’État.

Mourad Djouraev est incarcéré depuis le 18 septembre 1994.

Un nouveau tribunal a jugé M. Djouraev, le 4 décembre 2012, dans la ville d’Almalyk dans la région de Tachkent. Il a été condamné à trois ans et 24 jours de prison sur la base de l’article 221, deuxième partie, paragraphe b du Code pénal d’Ouzbékistan pour “refus d’obtempérer aux exigences légales de l’administration pénitentiaires”. C’est la quatrième fois qu’il est reconnu coupable d’avoir violé cet article, et la cinquième fois qu’il est condamné depuis son premier procès. Si M. Djouraev est incarcéré depuis plus de 21 ans, la peine maximale en Ouzbékistan est limitée à 25 ans d’emprisonnement. Pour plus d’informations, lire le communiqué de presse “Ouzbékistan : Mourad Djouraev condamné à une nouvelle peine de prison de trois ans et 24 jours”, publié le 16 décembre 2012. 
  • La réponse de la Cour suprême concernant le cas de Mourad Djouraev 
«Votre plainte exprimant votre désaccord avec les décisions judiciaires rendues par la Cour suprême dans le cas de M. Djouraev a été étudiée. 

Par le verdict prononcé par le tribunal pénal de la ville d’Amalyk, le 4 décembre 2012, et maintenu sans modification sur décision de la Cour d’appel de la région de Tachkent rendue le 3 janvier 2013, M. Djouraev a été condamné sur la base de l’article 221, paragraphe b de la deuxième partie du Code pénal de l’Ouzbékistan, et suivant les dispositions décrites par l’article 60 du Code pénal, à trois ans et 24 jours d’emprisonnement. 


Dans cette plainte sont présentés des arguments quant à l’illégalité de la condamnation de M. Djouraev qui soulèvent la question de l’annulation du verdict et du classement de cette affaire criminelle accompagné de la réhabilitation de M.Djouraev.  

Dans l’acte d’inculpation, la culpabilité de M. Djouraev a été démontrée par les dépositions des témoins C. Djouraev, A. Oumarov, N. Abdourakhmanov, et N. Roustamov, des documents concernant des punitions disciplinaires ainsi que d’autres preuves rassemblées lors de l’affaire.  


La Cour que les actions de M. Djouraev ont été correctement qualifiés et la peine a été prononcée de manière proportionnelle au crime commis.


Les raisons d’une modification ou d’une annulation des décisions judiciaires ne sont pas établies.


Le vice-Président R. Obidov».

*   *   *
Mourad Djouraev, âgé aujourd’hui de 63 ans, est privé de liberté sur la base d’accusations fabriquées de toutes pièces. Toutes ses condamnations ont été décidées d’avance et ne s’appuient que sur l’accusation. Durant ces dernières années, M. Djouraev a particulièrement ressenti qu’il s’épuisait physiquement et qu’il était constamment humilié dans sa dignité humaine. Lors de l’enquête menée en 1994-1995, il a été victime de tortures, et est depuis privé d’accès à des soins médicaux. Durant les vingt dernières années, pas un acte d’humanisme n’a permis une quelconque amélioration de sa situation. En décembre 2015, la dernière peine  d’emprisonnement de Mourad Djouraev arrivera à son terme, mais personne ne peut pour le moment nommer la possibilité de sa libération.

L’Association Droits de l’Homme en Asie Centrale” - AHRCA exhorte toutes les parties concernées, les gouvernements des pays démocratiques, les organisations de défense des droits de l’homme et les médias d’information à attirer l’attention sur le cas de Mourad Djouraev et à appeler le gouvernement de la République d’Ouzbékistan à le remettre en libérté. 



Pour plus d’informations, lire nos précédents communiqués de presse sur Mourad Djouraev:
           la pétition  “A l’occasion du 65ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, signez la pétition en faveur de la libération du prisonnier politique Mourad Djouraev” (en russe et en anglais), publiée le 09.12.2013;
           le communiqué de presse “Ouzbékistan: une bande rouge sur le dossier judiciaire du prisonnier politique Mourad Djouraev” (en russe et en anglais), publié le 29.04.2013;
           le communiqué de presse “Ouzbékistan: l’appel de la condamnation de M. Djouraïev rejeté”, (en russe et en anglais), publié le 05.01.2013;          
          — le communiqué de presse “ Ouzbékistan: Mourad Djouraev a nouveau condamné à une nouvelle peine d’emprisonnement de trois ans et 24 jours” (en russe et en anglais), publié le 16.12.2012;
           le communiqué de presse “Ouzbékistan: Libérez les prisonniers politiques le jour de la Constitution. Utilisez cette commémoration pour conduire de réelles réformes” (en russe et en anglais), publié le 07.12.2012;
           le communiqué de presse “Ouzbékistan : le prisonnier politique Mourad Djouraev, gravement malade, à nouveau placé en cellule d’isolement” (en russe et en anglais), publié le 14.10.2012;
           le communiqué de presse “Impossibilité depuis quatre mois de connaître le lieu où se trouve le prisonnier politique Mourad Djouraev” (en russe et en anglais), publié le 17.09.2009.



6.7.15

Ouzbékistan: des décennies de désespoir pour les prisonniers politiques

À la veille de l’examen par le Comité des droits de l’homme des Nations unies du quatrième rapport périodique de l’Ouzbékistan, concernant la mise en oeuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’Association « Droits de l’homme en Asie centrale » (AHRCA) et l’International Partnership for Human Rights (IPHR) soulignent la détérioration de la situation dans le pays. 
  
En raison de l’impossibilité d’effectuer un suivi public efficace de la situation des droits de l’homme en Ouzbékistan, toute tentative d’en effectuer une évaluation exhaustive se révèle très difficile. Cependant, malgré les manoeuvres d’obstruction des autorités pour empêcher l’accès à des données indépendantes, l’AHRCA n’a cessé de recevoir des informations concernant de graves violations des droits de l’homme, documentées dans un rapport commun de l’AHRCA et de l’IPHR, préparé en vue de l’examen de l’Ouzbékistan par le Comité des droits de l’homme.  

En Ouzbékistan, la pratique de la torture et les décès en détention et dans des circonstances suspectes sont des sujets particulièrement préoccupants. Pendant ces cinq dernières années, l’AHRCA a été informée de 85 cas de morts en détention dans différents établissements pénitentiaires, dont 36 ont pu être vérifiés. Pas un seul de ces cas n’a fait l’objet d’une réelle enquête objective impliquant un examen médico-légal indépendant, et personne n’a été tenu responsable de ces décès. 

Selon les informations reçues par l’AHRCA, les conditions de détention en Ouzbékistan sont assimilables à des actes de torture ou à des traitements cruels, et se caractérisent par un approvisionnement insuffisant en eau potable et en nourriture, des systèmes de chauffage et de ventilation défectueux, et un accès restreint aux soins médicaux et aux médicaments. 

Aucune réelle enquête impartiale n’a été menée jusqu’à présent sur les évènements meurtriers d’Andijan du 13 mai 2005, lors desquels les forces de l’ordre avaient utilisé des armes à feu contre des manifestants, pour la pluparts désarmés, sur la place Bobour. Depuis, les témoins de cette tragédie vivant en Ouzbékistan sont victimes de harcèlement et se trouvent sous la surveillance constante du Service de sécurité nationale (SNB). Ceux qui vivent désormais à l’étranger sont privés de leur droit de retrouver leur famille. Les réfugiés d’Andijan qui ont fui dans des pays membres de la Communauté des Etats indépendants ont pour certains été extradés vers leur pays d’origine, en violation du principe de non-refoulement établi par le droit international, relatif au droits de l’homme. À leur arrivée en Ouzbékistan, nombreux sont ceux qui sont soumis à la torture et condamnés à de longues peines de prison. Par exemple, Abdoumoutalib Kadirov, âgé de 70 ans, et son fils Abdounosir, tous les deux originaires d’Andijan, ont été extradés du Kazakhstan, où ils s’étaient réfugiés, vers l’Ouzbékistan en 2007. Ils ont été ensuite condamnés à huit ans de prison à l’issus de procès iniques, et ont vu en 2015 leur peine de prison être prolongée respectivement de cinq et trois ans pour avoir prétendument violé les règles carcérales. 

La situation des autres individus emprisonnés pour des raisons politiques restent également particulièrement difficile, et la pratique de l’extension arbitraire de la durée des peines d’emprisonnement, lorsque ces dernières sont sur le point d’arriver à terme, très répandue.

Un exemple flagrant du recours à cette pratique est illustré par le cas de l’ancien député parlementaire Mourad Djouraïev dont la peine de prison initiale a été prolongée à quatre reprises. Des 21 années d’emprisonnement qu’il a déjà purgées, 12 n’étaient pas comprises dans sa condamnation initiale. Pendant les trois dernières années, les proches et les avocats de Mourad Djouraïev n’ont pas pu recevoir la copie de l’une de ses cinq condamnations, malgré les multiples demandes adressées aux tribunaux. Son avocate n’a pas été autorisée à le voir depuis mars dernier et toutes les instances judiciaires ont rejeté l’appel qu’elle avait fait de la dernière condamnation de son client. Mourad Djouraïev a été torturé pendant l’enquête. Actuellement en très mauvais état de santé, il ne bénéficie d’aucun examen ou traitement médical approprié en prison. 

L’ancien rédacteur en chef du journal d’opposition Erk, Muhammad Bekjanov, purge actuellement sa deuxième peine de prison pour avoir, soi-disant, violé les règles carcérales. Il se trouve en prison depuis 16 ans, après avoir été torturé en maison d’arrêts et condamné à l’issue d’un procès inique en 1999. Son avocate n’est toujours pas autorisée à le voir depuis avril 2015, malgré l’autorisation écrite qu’elle a reçue de la part des autorités. Muhammad Bekjanov souffre d’une hernie très douloureuse, mais en raison de l’équipement médical déplorable de l’hôpital pénitentiaire et du manque de médicaments, il refuse de s’y faire opérer.

Aucune nouvelle n’a été reçue concernant Nouraddin Djoumaniïazov depuis octobre 2014. Son avocate avait reçu une autorisation officielle pour lui rendre visite le 20 avril 2015, mais n’a toujours pas pu le voir. Nouraddin Djoumaniïazov purge actuellement une peine de prison de huit ans après avoir été condamné en 2014 pour « trafic d’êtres humains » à l’issue d’un procès inique. Il n’a pas accès en prison aux médicaments nécessaires pour soigner son diabète et à une alimentation adaptée à son état. En octobre 2014, l’AHRCA a appris qu’il avait été admis à l’hôpital pénitentiaire, mais n’a reçu aucune information concernant son état de santé. 

Mourad Djouraïev, Muhammad Bekjanov et Nouraddin Djoumanïyazov sont tous défendus par l’avocate Polina Braunerg. Cette dernière reçoit régulièrement des menaces téléphoniques et fait l’objet d’une surveillance constante de la part du pouvoir. En représailles à ses activités professionnelles, elle s’est vue interdire par les autorités ouzbékistanaises de voyager à l’étranger en janvier 2015. Alors que Polina Braunerg souffre d’invalidité suite à une maladie et utilise un fauteuil roulant pour se déplacer, cette interdiction de sortie du territoire limite son choix concernant les lieux où elle peut recevoir un traitement médical adapté.

Plus d’informations sur ces points, ainsi que sur d’autres sujets, sont disponibles dans le rapport adressé conjointement par l’AHRCA et l’IPHR auprès du Comité des droits de l’homme en amont de l’examen du rapport périodique de l’Ouzbékistan. 

Version française  
Version anglaise 





4.7.15

Biélorussie: Chabnam Khoudoïdova, en maison d'arrêts depuis dix jours, n'a toujours pas accès à son avocat

 Chabnam Khoudoïdova, activiste d'opposition tadjikistanaise et membre du «Groupe 24», a été inscrite par le Tadjikistan sur la liste des personnes recherchées via Interpol. Après avoir été arrêtée le 15 juin par les autorités biélorusses, elle a été placée en maison d'arrêts à Brest (près de la frontière polonaise).
Mijgona Khoudoïdova, la soeur de Chabnam Khoudoïdova, a déclaré que l'avocat de la détenue n'avait toujours pas été autorisé à voir sa cliente. L'isolement total dans lequel Chabnam Koudoïdova se trouve, sans accès à aucune information, nuit gravement à sa santé.

Chabnam Khaïroulloïevna KHOUDOÏDOVA est née le 20 décembre 1986 en république socialiste soviétique du Tadjikistan, à Koulob (Sud du pays, 3ème ville par sa population). Elle a une fille (mineure).

Chabnam Khoudoïdova soutenait activement les idées de l’opposition politique au Tajikistan sur les réseaux sociaux, et défendait la nécessité d’y mener des réformes démocratiques.  Elle participait également autant qu’elle le pouvait à des actions humanitaires en soutien à des migrants tadjikistanais, partis de leur pays pour des raisons économiques. 

Elle a vécu ces dernières années en Russie. Lorsqu’elle a appris qu’une tentative d’enlèvement se préparait contre elle, elle a décidé de partir. Elle a été arrêtée le 15 juin 2015, alors qu’elle tentait de franchir la frontière russo-biélorusse. Depuis lors, elle est en maison d’arrêts à Brest (près de la frontière polonaise, en Biélorussie). Elle est maintenue en détention à la demande du Tajikistan qui l’accuse d’être membre d’une association de malfaiteurs, en violation de l’article 37 du Code pénal du Tadjikistan.

L'avocat de Chabnam Khoudoïdova n'est pas autorisé à entrer dans la maison d'arrêts pour voir sa cliente en l'absence d'une autorisation du Procureur général de Biélorussie. Un peu plus d'un an auparavant, cette pratique avait été déclarée comme inégale. Cependant, ce cas montre qu'elle est toujours en vigueur concernant les personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrêt international et d'une demande d'extradition.

Le Comité des droits de l'homme des Nations unies qualifie cette tentavive d'isoler complètement un détenu du monde extérieur de torture, notamment lorsque cette pratique menace la santé et la vie du détenu. En cas d'extradition vers le Tadjikistan, Chabnam Khoudoïdova risque d'être torturée, et condamnée à une longue peine de prison. Elle serait également séparée de sa fille en bas âge.

L'Association Droits de l'homme en Asie centrale (AHRCA) est particulièrement inquiète de constater :
     que Chabnam Khoudoïdova n'a pas accès à son avocat ;
     qu'elle est coupée du monde extérieur, et que ces conditions de détention qui lui imposent un isolement total nuisent à sa santé et sont assimilables à des actes de torture.

Face à cette situation, l'Association Droits de l'homme en Asie centrale (AHRCA) appelle les observateurs internationaux, spécialistes des droits de l'homme, à demander à la Biélorussie de remplir ses obligations et de respecter le Pacte international des droits civils et politiques  et la Convention des Nations unies sur la torture et autre peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en tant qu’Etat Partie à ces textes.

Ce communiqué de presse est adressé :
     au Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme ;
     au Haut-Commissaire des Nations unies pour les Réfugiés ;
     aux participants de la 24e session de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), qui se tient du 5 au 9 juillet dans la capitale finlandaise, 40 ans après la signature des accords d'Helsinki, document fondateur de l'OSCE.


Pour plus d’information, lire les précédents communiqués de l’AHRCA à ce sujet :
« Biélorussie : arrestation de l’activiste tadjikistanaise Chabnam Khoudoïdova, membre du “Groupe 24” », 18.06.2015 ; 
«Turquie: l’opposant politique Oumarali Kouvatov tué par balle à Istanbul», 05.03.2015 ;
«Arrestations d’activistes tadjikistanais  et disparition de Maksoud Ibraguimov à Moscou», 26.01.2015 ;
  «Turquie: le président du «Groupe 24 » Oumarali Kouvatov menacé d’extradition», 13.01.2015 ;
  «Turquie: arrestation président du «Groupe 24» Oumarali Kouvatov», 20.12.2014 ;
«Russe: tentative d’assassinat contre l’opposant politique tadjikistanais Maksoud Ibraguimov», 01.12.2014.