De
l’importance du sujet des Droits de l’Homme en Ouzbékistan
27 February 2013
Monsieur
Laurent Fabius
Ministre
des Affaires étrangères
Monsieur
le Ministre,
Vous vous apprêtez à vous rendre en
Ouzbékistan. A cette occasion, nous vous
serions extrêmement reconnaissants s'il vous était possible d'évoquer, lors de
vos rencontres avec les représentants de cet Etat, un certain nombre de sujets
brûlants en matière de Droits de l’Homme et dont voici un aperçu.
Droit de libre
circulation
L’Ouzbékistan a conservé l’héritage du
système soviétique. Toute personne souhaitant se rendre à l’étranger doit
obtenir un visa de sortie auprès d’un département spécial du Ministère de
l’Intérieur (OVIR). Ce visa ne se délivre que pour une période maximale de deux
ans et tous ne peuvent en profiter. En particulier, les militants des Droits de
l’Homme, les opposants politiques, les journalistes, les artistes se le
voient souvent refuser.
En janvier 2013, Vyacheslav Akhunov, un
peintre renommé, s’est vu refuser le droit de quitter le pays sans la moindre
explication. Ses œuvres ont été exposées dans le monde entier à plus de deux cents
reprises. Il était invité, cette année, à la 55ème Biennale de
Venise, qui s’ouvre le 1er juin 2013. L’indépendance manifestée par
cet artiste pourrait expliquer pourquoi ce droit de sortie lui a été refusé.
Depuis 2011, les militants Abdullo
Tojiboy-Ugly et Shukhrat Rustamov se voient systématiquement refuser tout droit
de quitter le territoire
Toutes ces restrictions, et l’existence
même d'un visa de sortie violent l’article 12 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques (droit à la libre circulation et liberté du
choix du lieu de résidence).
Des handicapés
en détention
Des handicapés de 1ere et 2de
catégorie sont incarcérés depuis plusieurs années et n’ont pu bénéficier
d’aucune amnistie.
1)
Mukhamadjon Akhmedovich Kurbanov, né le
27 février 1957 dans l’Oblast de Ferghana, de nationalité ouzbek. Le 2 octobre
2006, il a été reconnu comme handicapé de 2nde catégorie. Il souffre
d’asthme bronchique sévère (Certificat d’invalidité n° А070009827) et est
détenu au sein de la colonie pénitentiaire UYA 64/73,
dans la région de Zafarabadskii, Oblast de Djizzak.
2)
Rustam
Rakhmankulov, né le 17 octobre 1962, de nationalité Tadjik, a été reconnu en
2006 invalide de 2nde
catégorie, ce qui est confirmé par le certificat de l’ambassade du Tadjikistan en Ouzbékistan. Il
est actuellement détenu à la colonie pénitentiaire UYA 64/71 dans le bourg de
Jaslyk, Karakalpakistan.
3)
Shavkat
Muslimovich Karimov, né le 23 juin 1971, de nationalité Tadjik a été reconnu le
30 mars 1996 invalide de 2nde catégorie, ce qui est confirmé par le
certificat de l’ambassade du Tadjikistan en Ouzbékistan. Il se trouve à la colonie 64/47 de Kiziltep dans
l’Oblast de NAVOÏ
4)
Murad
Almatovitch Latipov, né le 1er janvier 1957 à Tashkent, de
nationalité ouzbek. Dans son jugement, il est indiqué qu’il est invalide de 1ère
catégorie depuis le 1er janvier 1997, car aveugle. Il est
actuellement détenu au sein de la colonie pénitentiaire UYA 64/32 dans la
région de Papskii, Oblast de Namangan.
5)
Sunat
Turgunovich Talasov, né le 28 août 1964 à Tashkent, de nationalité ouzbek. Il
est indiqué dans son jugement qu’il est invalide de 1ère catégorie
(aveugle). Son lieu de détention est impossible à déterminer. Plus de détails
en annexe 2 (Ouzbékistan: des prisonniers invalides à nouveau privés d'amnistie ).
Fermeture des
bureaux de HRW
En 2007, les bureaux à Tashkent de
l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch ont été
fermés, alors qu’elle était présente en Ouzbékistan depuis 15 ans. Cette
organisation était parvenue à gagner la confiance des habitants du pays. Elle a
pourtant été chassée pour avoir émis des critiques concernant le respect des
Droits de l’Homme en Ouzbékistan et pour son analyse des événements tragiques
d’Andijan en 2005. Comme vous le savez, l’une des conditions posée par l’Union Européenne pour la levée des sanctions à l’encontre de
l’Ouzbékistan était la restauration de l’activité de HRW. Condition qui n’a pas
été remplie.
Détentions prolongées
Il est devenu d'usage d’augmenter la
durée de détention des militants, des journalistes, des opposants politiques et
des milliers de détenus jugés pour «extrémisme religieux». Cela se
fait sur la base d’accusations gratuites de « désobéissance aux demandes
de l’administration pénitentiaire» (art. 221 du Code pénal). Les verdicts
tombent au mépris des principes de justice et d’objectivité. Ces prolongations
arbitraires aboutissent, de fait, à la réclusion à vie
Murad Djuraev, ex-député au parlement
d’Ouzbékistan, âgé de 61 ans, a fait 18 ans de prison déjà. En 2012, il a encore
été condamné à 3 ans de réclusion, par une cinquième condamnation. L’écrivain
Mamadali Makhmudov a fait 14 ans de prison. Agé de 72 ans, il encourt
actuellement une nouvelle condamnation. Isroil Kholdarov, militant de 62 ans,
invalide de 2nde catégorie, a purgé 6 ans et a vu sa peine
s’allonger de 3 ans.
J’espère que, lors de Votre visite en Ouzbékistan, vous aurez la possibilité d’aborder la question des droits de l’Homme, ce qui aurait sans aucun doute une influence décisive sur le sort des personnes évoquées ici et sur celui de l'organisation Human Rights Watch.
Avec mes
remerciements d'avoir accepté de prêter attention à ce courrier, je vous prie
d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma considération la plus
distinguée.
Cordialement,
Mme Atayeva Nadejda,
le président d'association Droits de l'Homme en Asie Centrale